Boucherie Dumeige

Max Dumeige est né, en 1944, à Domart en Ponthieu dans la Somme. Son père était maquignon marchand de chevaux, dans cette même ville. Max, après ses études de boucher charcutier, et quelques premières expériences en tant qu’apprenti, décide de s’installer à son compte, car il est courageux, ambitieux et volontaire.
L’occasion se présente quand la boucherie chevaline de Mr Duponchel-Burda, au 115 de la rue Jules Guesde à Roubaix se libère.
Max et son épouse Monique née Simon, signent l’acte de vente et s’installent, en 1968. L’enseigne choisie est : La « Chevaline ». Ils sont les plus jeunes bouchers de Roubaix.

La vitrine de la boucherie Duponchel Burda avant la cession ( document M. Dumeige )
document Nord Eclair 1968

La rue Jules Guesde est une rue très commerçante dans un quartier populaire. Le commerce se situe juste à côté du magasin de M. Soetens au 109-113 qui propose des articles de vaisselle et de ménage. La superficie du terrain sur lequel se situe la boucherie s’étale sur 177 m2. La boutique est très longue en profondeur mais étroite en façade. Sur la droite, une porte de garage permet les livraisons de viande. Max et Monique habitent sur place.

Plan cadastral

L’année suivante, en 1969, Max investit déjà, en aménageant l’intérieur du point de vente. Il fait installer une magnifique vitrine réfrigérée pour la présentation des produits et engage un premier salarié. Il crée un rayon porc pour aménager l’année suivante un laboratoire charcuterie pour la fabrication de « charcuterie-maison » avec un deuxième employé.

La qualité des viandes de cheval de Max Dumeige est irréprochable et la publicité se fait seule, de bouche à oreille, dans tout le quartier. Très rapidement, les affaires se développent et sont très satisfaisantes. En 1972, Max fait transformer complétement le magasin intérieur et la façade par l’entreprise Frimak Gand. Le résultat est remarquable.

documents archives municipales 1972
La façade ( document M. Dumeige )
Plan de l’intérieur du magasin ( document archives municipales )

Max entretient des relations cordiales et amicales avec tous les commerçants du quartier et devient membre de l’Union des commerçants de la rue Jules Guesde en 1972.

document Nord Eclair 1972

En 1974, Max et Monique créent un rayon volailles et gibier. Le personnel compte désormais 6 personnes, Max à l’atelier, Monique à la vente et à l’administratif et 4 salariés.

Max et Monique derrière leur vitrine réfrigérée ( document M. Dumeige )

La boucherie reçoit le prix d’honneur du concours Bergues 72, pour un concours de viande de cheval, en 1972.

document Nord Eclair 1972
Max Dumeige dans son laboratoire ( document M. Dumeige )

Les affaires continuent de se développer. En 1980, de gros travaux sont entrepris ; une partie de l’arrière boutique disparaît pour y agrandir le point de vente. Cet agrandissement leur permet de créer un rayon veau et agneau et d’embaucher deux personnes supplémentaires.

Démolition de l’arrière boutique ( document M. Dumeige )

Au milieu des années 1980, les affaires fonctionnent toujours très correctement mais la rue Jules Guesde commence à se dégrader. De nombreux commerçants ferment et ne sont pas toujours remplacés. Max décide alors d’acquérir un second commerce dans une artère passante de la ville. En 1987, il reprend la boucherie chevaline du 114 boulevard de Fourmies, ouverte depuis Juillet 1968, à L. Nollet-Marescaux. Auparavant, c’était la boucherie Bellepaume, des années 1930 jusqu’en 1967.

la boucherie Bellepaume en 1957 ( document IGN )
publicité Nollet- Marescaux ( document Nord Eclair )

Avec les deux points de vente, les époux Dumeige communiquent dans la presse locale, en 1988, par une publicité commune

Publicité commune des deux magasins 1988 ( document Nord Eclair )

Deux ans après le rachat du commerce du boulevard de Fourmies, Max décide de transformer complétement le magasin. Un permis de construire est demandé pour la création d’un atelier de découpe et d’un magasin de vente. Il fait appel au bureau d’études François Beckary à Lille pour la refonte du commerce.

Plan de l’ancien magasin ( document archives municipales )
Projet du nouveau magasin ( document archives municipales )
Projet de façade ( document archives municipales )
Etat des travaux ( document archives municipales )

Après quelques jours de fermeture, le magasin peut alors ré ouvrir.

Réouverture ( document Nord Eclair 1987 )
( document archives municipales )

La boucherie de la rue Jules Guesde connait une baisse des ventes. Max et Monique décident donc, en 1990, de fermer ce point de vente qui deviendra une maison particulière et ensuite un cabinet d’infirmiers.

Le 114 de la rue jules Guesde dans les années 2000 et de nos jours ( document Google Maps )

Max et Monique ont trois enfants ; Christine, Anne et Mathieu. Ce dernier, après ses études et un diplôme de BTS de gestion, commence son apprentissage pour apprendre le métier. Il obtient son Brevet Professionnel en 1994.

Au milieu des années 1990 se répand partout en Europe, la crise de la vache folle ( maladie de Creutzfeldt-Jakob ) Le grand public est informé par les médias, ce qui engendre une crise sans précédent. C’est une catastrophe pour toutes les boucheries qui voient leurs ventes de bœuf se réduire mois après mois. Les boucheries roubaisiennes ne sont pas épargnées, sauf celle de Max Dumeige qui propose de la viande de cheval à la place du bœuf, mais surtout grâce à la réputation de qualité de ses produits, et à la confiance de sa clientèle.

document Plantu

à suivre . . .

Remerciements à Max et Monique Dumeige ainsi qu’aux archives municipales

Les Derasse : tailleurs de père en fils.

Ferdinand Derasse est né en 1881.Il est propriétaire d’un magasin à Tournai : « La vierge Noire », célèbre commerce de vêtements, draperies, lainages et soieries.

La vierge noire ( document famille Derasse )

Au début des années 1900, il se rend à Roubaix pour rejoindre son frère Amédée, arrivé en 1898. Il s’installe à son compte en tant que maître tailleur au 243 rue Decrême.

le 243 rue Decreme de nos jours ( photo BT )
Ferdinand Derasse ( document famille Derasse )
document famille Derasse

Ferdinand se marie et a trois enfants : Clémence née en 1913, Fernand né en 1914 et Albert né en 1927

Clémence se marie avec Jules Leclerc qui est tailleur sur la Grand Place de Reims. Albert se dirige vers une carrière en banque. Fernand travaille avec son père, devient apprenti et s’installe ensuite également à son compte, au 26 rue de Beaurewaert.

Au rez de chaussée de cette immense maison, se trouvent l’habitation et un salon de réception pour que les clients puissent essayer leur costume sur mesure. Les chambres sont à l’étage. L’atelier très vaste, se trouve au fond de la cour, dans lequel on trouve les tables de travail mais également 5 à 6 machines à coudre professionnelles. Fernand embauche trois ouvriers, et fait travailler des personnes à l’extérieur à domicile, pour des travaux de couture sur des pantalons.

Fernand Derasse est particulièrement doué pour la création de costumes pour hommes. Pendant la période d’après guerre, les usines textiles sont à l’arrêt, les tissus sont rares et les roubaisiens ont peu d’argent. Fernand est ingénieux : il est le premier tailleur à récupérer des costumes usagés pour les retourner sur l’envers et leur donner une seconde vie.

Comme son père, Fernand est passionné par son travail. Il crée des costumes, des modèles sur patrons. Sa quantité de travail ne l’empêche cependant pas de se distraire, en effet Fernand a la réputation d’être un bon vivant.

Publicité 1974 ( document Nord Eclair )

Dans les années 1960, une partie de la rue de Beaurewaert ( qui fait partie du quartier des Longues Haies ) est rasée. Fernand, exproprié, décide donc de s’installer un peu plus loin au 151 de la rue Jules Guesde à deux pas de la rue de Saint Amand.

le 151 rue Jules Guesde de nos jours ( photo BT )

Fernand a trois enfants : Francis, Michel et Bernard. Francis s’installe artisan-tailleur à Mouscron, Michel devient directeur chez Mr De Fursac et installe des unités de production. Bernard, quant à lui, devient comédien à la Comédie Française et effectue de nombreux voyages en particulier au Canada.

Fernand Derasse cesse son activité dans les années 1980 – Ci-dessus, photo des années 1990 ( document famille Derasse )

Malheureusement, comme de nombreuses professions, les tailleurs disparaissent peu à peu suite au développement des magasins de prêt-à-porter. D’après le Ravet Anceau, on dénombre 189 artisans-tailleur en 1928 à Roubaix. Ils ne sont plus que 54 en 1968, et ont pratiquement tous disparu à ce jour.

Remerciements à Bernard et Christine Derasse

Hutchinson

Suite à un voyage d’études en Allemagne, Emile Degrave décide de travailler le caoutchouc. Il crée son entreprise en 1871 : La Manufacture Générale de Caoutchouc Souple et Durci. Appelée également usine du Coq Français, elle se situe au 173 rue du Tilleul à Roubaix ( aujourd’hui, rue Jules Guesde ).

En tête de lettre 1906 ( documents collection privée )

Il commence à fabriquer des joints, des plaques à base de fibres d’amiante, des courroies transporteuses pour les houillères, avant de créer sa propre marque de pneumatiques : « Amazone ».

Publicité pneumatique Amazone ( document collection privée )

Au début des années 1910, Emile Degrave s’associe avec Mr Prouvost. L’entreprise devient « Degrave et Prouvost ». Elle met au point des techniques nouvelles de production et crée la marque Fibrelite, qui obtient une médaille d’or, diplôme d’honneur, à l’exposition internationale de Roubaix en 1911.

Publicité Fibrelite ( documents collection privée )

En 1920, les premiers accords de coopération commerciale avec Hutchinson, fabricant de pneus, sont signés, et le rapprochement des deux entreprises ne fait que commencer.

Publicité pneus Hutchinson ( document collection privée )
En tête de lettre 1941 ( document collection privée )

A partir de 1952, l’entreprise commence à produire des cylindres pour la sidérurgie.

Publicité 1955 ( document collection privée )

En 1976, l’entreprise est reprise par Hutchinson. L’usine de Roubaix acquiert alors ses lettres de noblesse dans le « caoutchouc d’usure » c’est à dire dans une gamme de produits faisant appel à la souplesse, à l’élasticité mais aussi à la résistance du caoutchouc, qualités que l’on ne retrouve ni dans le plastique, ni dans le métal.

La vieille usine roubaisienne connaît des hauts et des bas. En 1983, quelques difficultés financières amènent l’entreprise à se séparer de 40 de ses salariés. Depuis, cette restructuration, l’entreprise se redresse très correctement. Elle fabrique des boules de loto, des soufflets de bus, des épaisses membranes pour les centrales nucléaires…

document Nord Eclair 1986 et document collection privée

Témoignage d’un cadre Hutchinson : On fait ici à Roubaix, tout ce que les autres ne veulent pas ou ne peuvent pas faire. Les moutons à cinq pattes, c’est pour nous. Nous sommes spécialisés dans des fabrications en petite série. Hutchinson à Roubaix, ce n’est pas Michelin à Clermont Ferrand ! Nous produisons des articles sur mesure dans des domaines très variés : le garnissage de cylindres et de rouleaux en caoutchouc, le moulage de pièces, la sous traitance automobile, etc

En 1988, les « Touche à tout » du caoutchouc entreprennent de moderniser leur image de marque, en investissant dans la réhabilitation de l’outil de travail. Les murs de la rue Jules Guesde sont sablés et rejointoyés et la brique retrouve sa belle couleur d’antan.

document Nord Eclair 1989

L’année suivante, en 1989, sous l’égide du SIAR (Syndicat Intercommunal de l’Agglomération Roubaisienne), l’entreprise qui avait acquis quelques maisons dans la rue de Bavay (perpendiculaire à la rue Jules Guesde) après démolition, construit une extension de 1000 m2 de ses ateliers de production. L’architecte Philippe Moreau a conçu une façade harmonieuse en matériaux modernes, tels que les pierres blanches et roses.

Photo BT

En 1990, en pleine nuit, le feu se déclare dans l’usine, du côté de la rue Jules Guesde. Les secours arrivent rapidement sur place et, vu l’ampleur du sinistre, les pompiers de Tourcoing, Marcq en Baroeul et Lille Bouvines sont appelés en renfort. Au total, 12 lances sont nécessaires pour venir à bout de l’incendie.

document Nord Eclair 1990

Fort heureusement, le nouvel entrepôt de 1000 m2 du côte de la rue de Bavay n’a pas été touché par l’incendie lequel a anéanti 600 m2 du côté de la rue Jules Guesde. La toiture et l’installation électrique sont détruites, par contre les machines bien qu’ayant fortement souffert sont encore utilisables.

L’incendie, spectaculaire, a causé un vif émoi chez les riverains. Le directeur Mr Lelièvre après avoir constaté les dégâts, assure qu’il n’y aura pas de chômage technique et pense qu’il y aura possibilité d’assurer le départ de la fabrications d’ici 2 à 3 jours.

L’entreprise redémarre rapidement son activité et continue à travailler et continue à travailler avec un matériel parfois ancien mais toujours efficace et rentable.

Une machine à l’intérieur de l’usine ( document Nord Eclair )

« Regardez cette machine, montre le directeur, pointant du doigt cette grosse machine très imposante, elle a plus de 50 ans et pourtant elle reste remarquable en terme de modernité ».

Aujourd’hui, l’entreprise rebaptisée « Le Joint Français » depuis quelques temps, fait toujours partie de la société Hutchinson, laquelle fait elle même partie du groupe Total Energie.

Installée depuis 1871, l’entreprise vit avec un héritage, une histoire sans se défaire des techniques de fabrication actuelles et indispensables.

Elle existe depuis plus de 150 ans à Roubaix : c’est certainement l’une des plus anciennes entreprises encore existante à ce jour dans la ville. Et c’est probablement pour cette raison que sur la façade de la rue Jules Guesde, une plaque a été posée à la mémoire de Maxence Van Der Meersch.

photos G. Vanspeybroeck et BT

 

Impasse Ingouville

Une impasse est une sente, très longue, composée de nombreuses maisons bâties en rangée, ( des basses toitures ) dans une ruelle non pavée en terre battue, et en cul de sac.

L’impasse Ingouville ( document Nord Eclair )

L’impasse roubaisienne la plus connue est l’impasse Ingouville. Ce lotissement est tristement célèbre, car régulièrement rénové et régulièrement saccagé.

L’impasse Ingouville se situe dans un carré de maisons compris entre la rue de Beaurewaert, la rue Jules Guesde, la rue des Fossés et la rue de Saint Amand, soit au total 123 maisons, sur un terrain immense d’une superficie de 14.913 m2. Continuer la lecture de « Impasse Ingouville »

Deux lieux importants : La Paix et le Mont de Piété

La Paix, une société coopérative

La Paix est issue de la fusion de deux coopératives : la première qui porte ce nom est créée en 1885 par un groupe socialiste majoritairement belge. La seconde, l’Avenir du Parti Ouvrier, inaugurée en 1887 par Jules Guesde, est l’œuvre d’Henri Carrette et de ses amis. En 1890, les deux sociétés se réunissent et vont s’installer au n°73 boulevard de Belfort. La coopérative la Paix vend du charbon et met en œuvre une boulangerie qu’Edouard Anseele vient inaugurer en 1892. La coopérative a pour objectifs de vendre moins cher le pain et le charbon aux populations ouvrières, en même temps que d’alimenter et de financer la propagande du parti ouvrier. Le n°73 du boulevard de Belfort devient ainsi le siège d’un grand nombre de syndicats ouvriers du textile, et celui du parti ouvrier, qui devient la section française de l’internationale ouvrière (SFIO)  en 1905.

Jules Guesde est député de Roubaix de 1893 à 1898, et de 1906 à 1919. Henri Carrette est maire de Roubaix de 1892 à 1901.

La salle des fêtes de la Paix doc AmRx

La Paix, un lieu politique et culturel

La Coopérative la Paix s’est vite développée et ses locaux accueillent de nombreuses activités. Ils sont composés d’un vaste café, de bureaux pour les réunions (syndicats, mutuelles, parti ouvrier) d’une bibliothèque. Une fanfare est créée et le théâtre populaire vient y tenir siège et scène. La Paix possède en effet une superbe salle des fêtes, où se déroulent les meetings politiques, les assemblées générales des coopératives, des syndicats et du parti, les conférences, les fêtes diverses à l’occasion du 18 mars et du 1er mai, et même le cinéma qui vient côtoyer le théâtre et la politique avant 1914.

La Paix en 1964 avant sa démolition doc AmRx

Le Mont de Piété

Familièrement surnommé chez Ma tante, le Mont de Piété se trouve au n°65 de la rue des Longues Haies. Il devient le crédit municipal, bureau des prêts sur gages en 1934. Un silence général régnait dans la grande salle sombre où étaient installés des bancs. Quand venait son tour, on pénétrait dans un petit isoloir en bois, où à l’abri des regards, on présentait l’objet qu’on allait mettre au clou contre quelque argent. Un employé en blouse bleue l’examinait et l’estimait, en général au tiers de sa valeur. Puis il sortait trois papiers roses, l’un pour le déposant, le deuxième pour l’objet, le troisième pour les archives, sur lesquels il inscrivait l’identité du déposant, la nature de l’objet, le montant du prêt. La destruction progressive du quartier Anseele à partir de 1958 lui enlève beaucoup de clients, car on allait au Mont de Piété comme on allait chez l’épicier ou le boucher. On y déposait généralement un bijou, une montre, parfois un transistor le lundi, qu’on récupérait en fin de semaine. Il arrivait aussi que les objets soient vendus aux enchères.

Le Mont de Piété CP Méd Rx

à suivre