Château Wattinne

Le dernier château de la ville de Hem se situe à la limite de la ville de Forest-sur-Marque. Il est édifié au bout de la route de Forest (actuelle avenue Henri Delecroix) à Hem, construit aux environs de 1650 par l’intendant du château d’Hem, et appartient à la famille Wattinne depuis le milieu du 19ème siècle. Certaines cartes postales du début du vingtième siècle le situent pourtant sur le village de Forest, devenue Forest-sur-Marque au début des années 1920.

Il y avait sûrement un château dans cette dernière. C’est ce que laisse à penser une Bibliographie « La France Gallicane » sous la rubrique: « Anciens Seigneurs de Forest » dans laquelle on peut lire :  » En 1095 vivait le Chevalier Gossuin de Forest qui eut le malheur de tuer involontairement, à Tournai, le Comte Henri de Bruxelles, beau-frère de son Seigneur ». Mais il ne s’agissait en tout cas pas de celui-ci.

Situation du château Wattinne sur plan et CPA de Forest le représentant au début du vingtième siècle (Documents Historihem et collection privée)

Le nom de Watine ou Wattinne, sous quelque forme qu’il soit écrit, est l’un des plus anciens noms de Flandre. En l’occurrence, la famille Wattinne qui achète le château hémois est originaire de Roubaix-Tourcoing. Fidèle Wattinne, né en 1800 à Tourcoing, a épousé Bonne Prouvost en 1825 à Roubaix où il est décédé en 1870.

Le couple a eu quatre enfants dont le dernier Augustin est né en 1843. Celui-ci a épousé Clémence Watine, fille de Philippe Watine et Clémence Wattinne, née en 1847, et le couple a eu 2 fils : Auguste en 1870 et Georges en 1871, avant le décès de Clémence à l’âge de 26 ans en 1873.

Photo d’Augustin en 1894 (Document Historihem)

A cette époque Augustin est négociant, installé au 38 rue Saint-Georges (actuelle rue du Général Sarrail ) à Roubaix, dans la portion de cette rue qui relie l’avenue de la Gare à la rue du Bois (vers la gauche) et la rue de l’Hospice (vers la droite). Le couple a manifestement sa vie privée centrée sur Forest dont le centre est beaucoup plus proche de leur château que sur Hem dont le centre est plus lointain.

CPA de la rue Saint-Georges au début du vingtième siècle et la même portion de rue aujourd’hui (Documents collection privée et Google Maps)

C’est ainsi qu’en 1898, Augustin Wattinne succède à Edmond Beghin en tant que président d’honneur de la société musicale forestoise : la fanfare Sainte-Cécile, fondée 20 ans plus tôt par Edmond Beghin avec quelques autres mélomanes, pour animer les différentes fêtes locales.

Drapeau de la fanfare Sainte-Cécile lors d’une fête locale (Document collection privée)

C’est sans doute aussi pour cette raison, qu’après le décès de son épouse, Augustin veut exaucer son vœu le plus cher, à savoir la naissance d’une école catholique à Forest pour assurer l’éducation chrétienne des enfants et, plus particulièrement, des jeunes filles. C’est chose faite en 1894, avec la construction de l’école Sainte-Marie, dans la rue des Stations (actuelle rue des Roloirs), toute proche du Château.

CPA de la rue des Stations au début du siècle et photos de 2022 et 2023 au même endroit (Documents collection privée et Google Maps)

L’abbé Gourdin, curé de la paroisse, lui fait connaître la congrégation des sœurs de Saint-Joseph de Cluny et 4 religieuses arrivent à Forest en 1894, pour la première rentrée. La grande maison toute neuve, construite à leur intention, reçoit le nom de fondation Clémence Wattinne. Six ans plus tard, au décès d’Augustin, en 1901, leurs fils Auguste et Georges reprennent le flambeau.

Photo de l’école dans l’actuelle rue des Roloirs en 1994 à l’occasion de son centenaire et gros plan sur l’inscription murale (Documents Nord-Eclair)

Les deux fils d’Augustin et Clémence ont installé, au vingtième siècle, leurs entreprises de négoce à Roubaix dans 2 bâtiments voisins. Auguste, père de 5 enfants, tient son commerce de tissus au 26-28 rue du Château, tandis que son frère Georges, père de 3 enfants, exerce son activité de négociant au n°24 de cette même rue.

Les n°26-28 rue du Château à Roubaix dans les années 1960 et 2023 et les n°20-24 dans les années 1990 (Documents BNR et archives municipales)

En 1903, l’école rencontre des difficultés dues à l’interdiction faite aux religieuses, par l’état, d’enseigner. C’est alors Laure Lestienne, l’épouse d’Auguste, qui décide d’enseigner en lieu et place de celles-ci afin que l’école ne disparaisse pas, tandis que les sœurs restent à Forest pour s’occuper des malades et de l’église. Durant la Grande Guerre, les Allemands s’installent au château Wattinne et l’école Sainte-Marie devient un moment une écurie. Puis les religieuses quittent la ville où d’autres directrices se succèdent à la tête de la petite école.

La tour du château Wattine réplique de la chapelle du château d’Hem et photo de celle-ci (Documents Historihem)

Des processions religieuses sont organisées du château vers l’église de Forest dans les années 1910. Le château s’orne, à l’arrière de son aile gauche, d’une tour qui est la réplique quasi exacte de la chapelle du Château d’Hem (sur le sujet de ce château voir un article précédemment édité sur notre site). C’est au début du vingtième siècle que l’aile de la cour est rehaussée d’un étage par un architecte hémois.

Une procession religieuse aux alentours de 1915 depuis le château vers l’église de Forest (Documents Historihem)
Des attelages dans la cour (Documents Historihem)

Quant aux jardins, répartis sur 7 hectares superbement entretenus, celui qui se situe à l’avant de la maison est orné d’un magnifique sapin acheté aux floralies de Gand en 1910 et toujours debout au début des années 2000. Ajoutés aux 7 hectares de pâtures la propriété s’étend sur 15.000 mètres carrés.

Photo panoramique du domaine en 1933 (Document IGN)
Un aperçu des jardins et la salle de billard donnant sur l’un d’eux en 1926 (Documents Historihem)
Le sapin acheté en 1910 aux floralies de Gand et toujours debout en 2004 (Documents Historihem)

Article dédié à Gérard Vanspeybroeck, notre président récemment disparu. Remerciements à l’association Historihem.

La Bonnerie

Suite d’un précédent article intitulé « La Roseraie »

Dans les années 2000, le bâtiment en L que l’on voit sur toutes les photos aériennes est habité par une famille. Il n’a quasiment pas été modifié si l’on excepte le campanile qui figurait au sommet d’un toit et a disparu. En témoignent les photos comparatives ci-dessous.

CPA et photos comparatives prises en 2000 (Document collection privée)

En face de ces bâtiments, de l’autre côté de la rue de Croix un ensemble de bâtisses, possiblement des écuries ou étables à l’origine, que l’on aperçoit également sur les photos aériennes, existe toujours. Il s’agit à présent d’habitations. Enfin le château quant à lui abrite les établissements NordNet et n’a pas subi de modifications apparentes de l’extérieur.

CPA et photos prises en 2000 (Document collection privée)

NordNet est une entreprise de télécommunications implantée dans la métropole lilloise, à Hem depuis 1995. La société a domicilié son siège social à Hem dans l’ancien château de la Roseraie, dénommé dès lors Château de la Bonnerie.

Photo du Château de la Bonnerie côté rue en 2008 et côté jardin en 2017 (Document Google Maps et Historihem)

Son fondateur, Thierry Tarnus a choisi ce nom car il veut que sa société apporte internet aux gens du Nord ; de fait il est le premier fournisseur d’accès internet dans le Nord et rencontre un énorme succès qui le conduit à céder sa société au groupe France Telecom en 1998, soit 3 ans après sa création.

En 2000, Nord-Eclair rencontre le directeur technique de l’entreprise en pleine croissance. Dominique Uzun explique comment les « entreprises du coin » ont très vite manifesté leur intérêt pour une entreprise proche d’elles et pouvant leur apporter un service direct. Ainsi leur client historique s’avère être « Les 3 Suisses » situés à 1 km à vol d’oiseau de l’établissement de Hem.

Dominique Uzun directeur technique en 2000 (Document Nord-Eclair)

En 2016, NordNet a la réputation d’être le fournisseur d’accès internet qui a su se développer dans le domaine de la sécurité des données et de l’accès au réseau même depuis les lieux où le numérique ne va pas. C’est le leader de l’internet par satellite et l’entreprise se positionne également sur la fibre optique. Deux ans plus tard l’entreprise ferme son établissement de Hem et le siège social de l’entreprise est transféré à Villeneuve d’Ascq.

Photos du château après le départ de Nordnet côté rue et côté jardin (Documents Google Maps)
Photos aériennes des années 2000 et 2021 (Photos IGN et Google Maps)

Depuis un programme immobilier « Château de la Roseraie » y est en cours. Il va s’agir d’une résidence de standing, proposant des appartements du studio au T5 voire T6 ou plus…Le slogan : « Vivre la vie de château, dans le confort moderne avec le charme de l’ancien ».

Des prestations de qualité sont vantées : façade en briques et pierres de taille, ferronnerie, couverture ardoise et zinc, jardins privatifs, ascenseur, hall d’entrée sécurisé, places de stationnement sécurisées…La mise à disposition des biens est prévue en 2023.

Plan provisoire, château côté jardin et une vue de l’intérieur (Documents le guide du neuf)
Photos intérieures du château à rénover (Documents Richou Investissements)

En Mai 2022, des panneaux annonçant les futurs travaux sont apposés de chaque côté de l’entrée de l’allée et le portail d’accès au château est clos. Celui-ci semble à l’abandon et ce domaine autrefois prestigieux dégage pour l’instant un parfum de désolation…

Photos de Mai 2022 (Documents collection privée)

Remerciements à l’association Historihem

La Roseraie

Ets Leclerq-Dupire à Wattrelos (Document ateliers-mémoire)

Louis Leclercq-Huet descend d’une famille d’industriels. Son père Louis Leclercq-Mulliez a en effet développé en 1865 les établissements Leclercq-Dupire à Roubaix-Wattrelos que son grand-père avait fondé. Louis épouse Jeanne Huet en 1885 et demeure dans un 1er temps à Roubaix , 74 boulevard de Paris avant de faire construire son château à Hem, au 111 rue de Croix, « La Roseraie »..

La Roseraie CPA et Photo (Document collection privée)
Photo de famille en 1923 dans le parc du Château (Document Historihem)

Louis, qui travaille avec son père élève une famille de 12 enfants dont 2 fils meurent: l’un à la guerre, l’autre accidentellement à l’armée. Quant à lui, pendant la 1ère guerre mondiale, en tant qu’industriel, il fait partie des otages emmenés en Allemagne au camp de Holzminden.

Les otages du Nord du camp de Holzminden (Document Historihem)

Membre de la chambre de commerce de Roubaix il conserve ses fonctions le plus longtemps possible aux Ets Leclercq-Dupire, jusqu’à ce que sa santé ne le lui permette plus et décède, en 1928, dans sa 66ème année, dans sa résidence de Hem. Son épouse le suit un an plus tard à l’âge de 63 ans.

Mortuaires des époux Leclercq-Huet (Documents Historihem)

Comme le montre une vue aérienne de 1932, La Roseraie, ce n’est pas qu’une grande demeure majestueuse. C’est également un énorme terrain qui comprend, outre la bâtisse principale : plusieurs dépendances puis une ferme, des jardins, des prés, un cours d’eau…

Photo aérienne de 1932 (Document IGN)
La famille sur le pont enjambant le cours d’eau (Documents collection privée)

Entre les années 1930 et 40, les jardins se structurent et le domaine est savamment entretenu comme en témoignent les séries de cartes postales qui lui sont consacrées. Un magnifique parc boisé et des jardins luxuriants font l’admiration des visiteurs. La demeure familiale est alors la propriété de Louis Leclercq-Motte et son épouse, fille d’Eugène Motte, qui ont 10 enfants. C’est Louis qui dirige les Ets Leclercq-Dupire à Roubaix et Wattrelos et fonde également, avec ses frères, les usines Leclercq-Dupire d’Ypres, Cysoing, Saint-Python….

La Roseraie série noire (Documents collection privée)

En 1936, le salut solennel et la cérémonie de clôture de la fête d’été en l’honneur de Notre Dame de Lourde, sous la présidence du cardinal Lienart, évêque de Lille, se déroulent à la Roseraie après une procession dans les rues de la ville et une grand messe solennelle chantée à l’église Saint-Corneille avec le concours de la chorale paroissiale.

La presse se fait écho du rassemblement de l’ensemble de la procession dans la propriété, et de la chorale d’hommes entonnant le Magnificat repris en choeur par la foule des fidèles. La cérémonie s’achève par la bénédiction du Saint-Sacrement sur la foule agenouillée.

Le programme de la fête d’été (Document Historihem)
Photos de la cérémonie à la Roseraie (Document Historihem)

Pendant la 2ème guerre mondiale, comme la plupart des châteaux et maisons de maître à l’époque, la propriété est occupée par les allemands comme le démontrent les 4 photos ci-dessous. Pourtant la demeure reste fort heureusement intacte si l’on se réfère à cette vue aérienne de 1947.

La Roseraie occupée (Documents collection privée)
Vue aérienne de 1947 (Document IGN)

En 1957, Louis Leclercq-Motte et son épouse célèbrent leurs noces d’or avec faste. La journée commence par une messe d’action de grâces à l’église Saint-Corneille, en présence de toutes les notabilités de la région. Puis une cordiale réception est offerte au domicile des jubilaires aux nombreux parents et amis où un grand repas familial rassemble ensuite une centaine de membres de la famille.

La famille pose sur l’escalier extérieur à l’arrière du château (Document Nord-Eclair)

La Roseraie reste ensuite la propriété des familles Leclercq-Motte et Motte-Watinne que l’on y retrouve domiciliées dans les Ravet-Anceau de 1958 à 72. Dans les années 60, un carton d’invitation est envoyé par Mme Jean Leclercq sous la forme suivante : « Gentilhomme et Gente Dame, soyez priés à danser, ce samedi trente et un mai en notre Cense de la Roseraie, où bal campagnard est donné pour fester de Sylvie et Christian les dix-huit et vingt-cinquième printemps » « Tenue de gente Dame ou Gentilhomme campagnard du siècle passé ».

La carte d’invitation à la fête (Document collection privée)

A suivre…

Remerciements à l’association Historihem

Le château et la ferme de Beaumont

Le fief de Beaumont à Hem remonte au 13ème siècle et appartient initialement à la Maison de Lannoy. La première représentation que l’on a du château remonte aux années 1640, par l’intermédiaire du chanoine Antoine Sanders, dit « Sanderus », théologien et érudit auteur de nombreux ouvrages au dix-septième siècle. Le domaine se situe au bout du chemin de Beaumont, sur un simple chemin rural.

A l’époque le fief de Beaumont se compose d’un château bâti sur motte avec donjon et chapelle, entouré de grands fossés et d’une cense contenant maison, étables, bergerie, grange, fournil, basse-cour, jardins, prés, pâtures, bois, champs entourés d’eau et terres de labour. (Source historique des « château et cense de beaumont » à Hem Nord publiée par Mr Volpi, basée sur les recherches de Max Barrois)

Croquis du 1er château de Beaumont (Document archives Historihem)

Le domaine se maintient dans son intégrité jusqu’à la révolution. Une vente réalisée en 1732 à la famille Libert (conseiller du roi de France) fait en effet mention :« d’un château seigneurial avec porte, avec une basse cour et plusieurs jardinages entourés d’eaux pour l’usage et la commodité du seigneur et attenant au château, un lieu manoir amassé de granges, étables, fournil et autres édifices à usance de cense, avec prés, pâtures, bois, chaingles (enceintes), eaux, rejets, flots, flégards (sentiers) et terres labourables en plusieurs pièces tenant ensemble et contenant 25 bonniers environ ». (Sources généalogiques et historique des provinces du Nord)

En 1773, le château, en mauvais état, est vendu par la famille Libert à Paul Joseph Dutoit, fermier de Beaumont, et Michel Joseph Letellier maçon à Hem. Ensuite en 1872, c’est Jules Brame Delemer qui devient propriétaire du domaine puis Max Barrois son descendant.

Le journal Nord-Eclair de 1941, dans sa rubrique : Regards sur le passé, publie une photographie du château de Beaumont au début du vingtième siècle. S’agit-il bien du château situé dans le fief de Beaumont comme le laisse supposer l’article du journaliste qui en reprend l’histoire, ou s’agit-il d’une autre propriété ? En effet, dans l’annuaire de 1923, le château de Beaumont est la propriété d’un industriel nommé Glorieux et c’est encore le cas en 1948 mais il s’agit d’une propriété sise au 209, boulevard Clémenceau et non de l’ancienne seigneurie.

Photo du Château au début du 20ème siècle Document Nord-Eclair)

Dans les années 1930, on retrouve l’impressionnante propriété de l’ancien fief de Beaumont sur une vue aérienne au niveau du 12 de l’actuelle rue Montaigne à Hem, à la limite de la ville de Croix.

Photo aérienne du Château de Beaumont en 1932 (Document IGN)

En 1931, la cense de Beaumont est toujours entourée de douves. Elle est gérée par Louis Lienart qui la laissera l’année suivante à son fils Pierre. La pièce d’eau cerne une île où se trouve un chalet. Le château est alors à l’opposé de l’entrée de la ferme.

Photos de la ferme en 1931 (Documents archives Historihem)

En 1944, les propriétaires sont Mrs Barrois et Detroyat (célèbre aviateur). En 1945, le château, loué à l’association : « les amitiés scoutes », devient un lieu de réunion des troupes scoutes et guides. Ainsi, à l’été 1957, les 2000 scouts et guides de France des districts de Roubaix-Tourcoing y organisent une agréable journée de rassemblement.

Le programme est le suivant : une messe en plein air célébrée par l’aumônier d’une fraternité scoute, un déjeuner au restaurant installé pour l’occasion ou un pique-nique sous les arbres du parc verdoyant, un kayak pour naviguer sur la rivière, une exposition de peintures, des manèges et de nombreux jeux, un junicode suivi des nombreuses démonstrations organisées par les scouts et guides qui, dans la soirée, procèdent au renouvellement des feux de la Saint-Jean.

La fête champêtre de 1957 (Documents Nord-Eclair)

Pourtant la même année la presse annonce la prochaine disparition du château et de la ferme pour permettre la création d’une magnifique cité résidentielle. Fort heureusement le site sera finalement épargné et la construction se fera autour permettant aux futures résidences de bénéficier d’un cadre exceptionnel et surtout assurant la préservation d’un patrimoine historique.

Prochaine disparition du château et de la ferme (Documents Nord-Eclair)

Les derniers gérants sont le couple Meyer jusqu’en 1961. La Cense est ensuite rachetée puis aménagée, en 1962, par Mr Remi Ange Silvio Volpi, industriel roubaisien dans la teinture à façon au 232 boulevard de Fourmies.

En 1947 et 1962, les vues aériennes montrent un domaine toujours aussi imposant sans autre demeure dans le voisinage immédiat.

Photos aériennes de 1947 et 1962 (Documents IGN)

Dans les années 1970, le domaine, fort bien entretenu, est toujours très champêtre. En revanche, dès 1976, les habitations se densifient et en 2021, l’ancienne cense de Beaumont est environnée de maisons.

Photos des années 1970 (Documents collection privée)

Photos aériennes de 1976 et 2021 (Documents IGN et Google Maps).

Vue de l’étendue du domaine sur le plan de la ville (Document Google Maps)

Pourtant la construction en elle-même n’a pas beaucoup changé et lorsque l’on observe de plus près la photographie de l’entrée du domaine côté ferme, en venant de la rue Boileau, on s’aperçoit que le porche crénelé déjà observé sur les photos de 1931 se retrouve à l’identique sur les photos actuelles.

Photo du porche actuel (Document archives Historihem)

Le 12 rue Montaigne est aujourd’hui le siège de l’entreprise de recherche-développement en autres sciences physiques et naturelles de Mr Luis Gonzales Alvarez. De nos jours, lorsque l’on passe dans la rue Montaigne on ne voit aucune trace de l’ancien domaine ; seul un petit portail blanc, à côté du numéro 6, donnant sur une allée marque l’entrée de l’ancien château. Dans la rue Boileau, le portail n’est pas plus grand mais une petite plaque indique la présence de la Cense de Beaumont. Au fond de l’allée on distingue le porche crénelé dont la photographie figure ci-dessus.

Photo du portail côté Boileau (Document Google Maps)

Remerciements à l’Association Historihem 

Le parc Masurel

Le parc Masurel se trouve avenue Gustave Delory, derrière les villas et les appartements cossus. Le parc est donc invisible de l’avenue.

document Nord Eclair

L’entrée du parc se fait par une allée privée au N° 24. C’est aujourd’hui l’entrée de la prestigieuse école EDHEC.

Photo BT 2021

Ce terrain se termine rue Edouard Vaillant, à l’Est, et sur la ville de Croix, au Sud.

C’est un parc immense de 8 hectares. On y trouve des arbres magnifiques, dont certains sont centenaires : des bouleaux, chênes, marronniers, merisiers, peupliers.

On l’appelle Parc Masurel, car Ernest Masurel et son épouse Marcelle Huet sont propriétaires du terrain et de la demeure.

document collection privée
document IGN

M et Mme Masurel y résident. C’est en fait, un véritable château ! Ses dimensions sont de 27,50m de longueur sur 15m de largeur soit 400 m2 au sol.

Il y a 3 niveaux, soit un total de plus de 1200 m2 habitables.

La façade avant ( document archives municipales )

Au rez de chaussée on trouve un hall, une salle à manger, un salon, un bureau, une cuisine, un office et une salle à manger pour le personnel.

Au 1° étage : 8 chambres pour les membres de la famille et les invités, 2 WC et 2 salles de bains.

Au 3° étage : 9 chambres et 2 salles de rangement.

M et Mme Masurel ont trois enfants, et au vu du nombre de chambres, on peut imaginer qu’il devait y avoir beaucoup de personnel : femmes de chambre, cuisiniers, et jardiniers.

Il existe également sur le terrain, une maison de 100 m2 pour le gardien.

document archives municipales

M Masurel devenu veuf, décède en 1974. Les héritiers ne tiennent pas à reprendre la demeure, étant donné les frais d’entretien que cela représenterait. Ils décident donc de mettre la propriété en vente.

Toutes les richesses à l’intérieur du château sont vendues ( tableaux, œuvres d’art, boiseries, marbres etc ). La maison est cédée au promoteur Ferret Savinel et sera démolie. Le projet de construction d’un lotissement est signé par le P.D.G de l’entreprise Ferret Savinel, Jean Arnault en Juillet 1979.

Le château pendant la démolition ( document archives municipales )

à suivre . . .

Remerciements aux archives municipales.

Du château Ternynck à l’école Jeanne d’Arc (suite)

L’école des sœurs dominicaines se situe au 25 rue de Lille (bâtiment acheté à la famille Ternynck en 1919). Les locaux deviennent trop petits car l’école ne cesse de se développer. Il faut donc songer à s’installer ailleurs. Le président de l’école, Fernand Lepoutre, fait l’acquisition du château Ternynck le 1er Juin 1946. Le financement a pu être réalisé grâce à des emprunts, des dons de la congrégation et des familles, mais aussi par des ventes de charité et des séances théâtrales.

document Institution Jeanne d’Arc

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Du château Ternynck à l’école Jeanne d’Arc

Henri Ternynck est un industriel roubaisien, dans le domaine du textile. Il possède une usine de tissage et filature, située sur le Boulevard de Fourmies ( voir un précédent article sur notre site, intitulé : l’usine Ternynck ) ainsi qu’une entreprise rue de la Fosse aux Chênes. Ses immenses bureaux se situent au 50 rue de la gare ( à l’angle de la rue de l’hospice ). Henri Ternynck gère ses affaires avec ses enfants, et crée l’entreprise Henri Ternynck et fils. Tous les membres de la famille Ternynck habitent dans différents endroits à Roubaix.

Edmond et Marie Ternynck ( document C. Baccarrere et A. Charpentier )

Un des fils d’Henri, Edmond Ternynck, se marie avec Marie Dormeuil, en 1878. Il décide de faire construire son hôtel particulier vers 1880. Il fait l’acquisition d’un terrain vierge de 13.519 m2, situé au 32 rue de Barbieux, pour y faire construire sa demeure. L’extrémité de cette immense parcelle se situe avenue Le Notre, en bordure du parc de Barbieux. Il confie le projet à l’architecte M. Dupire, qui s’inspire du château de Raray dans l’Oise, pour édifier les plans de la demeure.

L’hôtel particulier d’Edmond Ternynck 1880 ( document Archives Municipales  )
L’hôtel particulier d’Edmond Ternynck  ( document C. Baccarrere )

Le château du Huchon, comme on l’appelle à l’époque, est très imposant, Il est composé de très nombreuses pièces, sur trois niveaux. Au rez de chaussée, une galerie de 24m de long fait face à la rue, c’est une galerie de façade pour y exposer des tableaux et œuvres d’art. La décoration des salles est luxueuse : cheminée dans chaque pièce, moulures bois, portes intérieures monumentales. Au 2° étage, se situent les chambres pour le personnel : les femmes de chambre et les femmes de ménage sont en effet très nombreuses et nécessaires pour le service des châtelains.

Les pièces intérieures ( documents C. Baccarrere )

A l’extérieur, côté sud, est édifiée une terrasse couverte pour les beaux jours.

La terrasse couverte ( document C. Baccarrere )

De chaque côté du château, ( côté rue ) sont édifiés deux bâtiments séparés. Le premier est réservé aux écuries, car les déplacements à l’époque se font essentiellement en véhicules hippomobiles ( fiacres, calèches ). Le deuxième, appelé bâtiment des communs, est consacré aux nombreux jardiniers. On y trouve la resserre et un hangar pour stocker le matériel. Le long du mur de clôture, se trouvent un clapier et un poulailler.

Les extérieurs ( documents Archives Municipales et C. Baccarrere )

Dans les années 1920, de nombreuses nouvelles constructions sont érigées dans la rue de Barbieux. La municipalité décide alors d’une nouvelle numérotation des habitations. C’est ainsi que le 32 rue de Barbieux devient le 68.

Côté rue ( document C. Baccarrere )
Côté jardins ( document C. Baccarrere )

Edmond décède en 1914. Son épouse, Marie Ternynck, continue à gérer seule la demeure. La propriété est immense. Une partie du château ( la moitié du rez de chaussée et la moitié du sous sol, sur le côté sud ) est louée, en 1929, à Léon Tack et son épouse Gabrielle née Catry.

Léon Tack est grossiste et importateur en fruits, primeurs et légumes. Son entreprise est installée au 23-25 rue de la Halle, où la famille occupe le 1° étage. Le couple et leurs enfants apprécie alors ce nouveau logement spacieux, dans un cadre idyllique et verdoyant.

Publicité Léon Tack ( document collection privée )

Marie Ternynck décède en 1934. La famille Tack reste locataire de la demeure rue de Barbieux. En Mai 1940, Léon Tack, son épouse et leurs 7 enfants quittent Roubaix, et partent à Mélicourt dans l’Eure, pour quelques mois, puis descendent dans le sud de la France, et résident à Tarbes pendant quelques mois également. La famille Tack est de retour à Roubaix en 1941 ; les allemands occupent la moitié de la demeure. Léon Tack déménage à la fin de l’année 1942, et part s’installer au 52 rue Dammartin.

À suivre . . .

Remerciements à Carole Baccarrere, Annick Charpentier, Gabrielle et Dany Tack, Béatrice Martin, Florence Tellier, Virginie Samyn ainsi qu’aux Archives Municipales.

Potennerie Blanche, origines

En 1958, l’office départemental HLM projette de construire conjointement avec la société Le Toit Familial 1200 logements répartis en deux tranches : l’une de 900 logements sur la plaine des Hauts Champs entre l’usine de velours Motte-Bossut et l’église Sainte Bernadette, et l’autre de 300 logements rue Dupuy-de-Lôme, pour 300 appartements répartis en cinq blocs.
Les architectes sont MM. Dubuisson, Grand prix de Rome et Lapchin, architecte en chef du CIL. La première pierre des 1200 logements Hauts Champs et Potennerie est posée le 24 juin 1958.
Pour la partie Potennerie du chantier, on parle fréquemment du groupe Cavrois, car les terrains appartenaient vraisemblablement à l’entreprise Cavrois Mahieu, dont l’usine se trouve à proximité, entre les rues Montgolfier, Jouffroy, Volta et la rue de la Potennerie. Une parcelle de jardins ouvriers semble être une survivance d’un groupe appartenant à la société Cavrois. Les flâneurs nous apprennent que le quartier de la Potennerie où se trouve la rue d’Artois comportait de nombreux jardins populaires, il était autrefois très peu bâti et gardait un caractère bucolique. Ils signalent que les constructions démarrent vers 1908 et que la rue d’Artois n’est viabilisée qu’en 1928, et la rue Volta prolongée vers 1924. Les propriétaires riverains sont Mmes Veuves Cavrois Mahieu et Loridan Lefebvre.L’usine Cavrois Mahieu fut construite en 1887, avant que la rue Jouffroy et la rue Montgolfier n’existent. La création de ce nouveau quartier entraîne la parcellisation d’une grande propriété foncière qui s’étendait jusqu’à la Place de la Fraternité et jusqu’à l’avenue Motte. En 1893, les boulevards de Lyon et de Reims viennent opérer une coupure entre le lieudit les Près, propriété de l’industriel Cordonnier où viendront s’installer les stades Maertens et Dubrulle Verriest, et le site de la Potennerie où s’édifieront dans les années cinquante les différents logements collectifs. En 1926, la rue Montgolfier opère une séparation entre le secteur où se trouveront les immeubles de la Potennerie Rouge, et ceux de la Potennerie Blanche.
En Août 1959, le chantier du terrain Cavrois avance de façon satisfaisante, et l’on peut espérer démarrer la location au printemps prochain. C’est qu’il y a des besoins pressants, les mal logés du bloc Anseele en pleine démolition doivent trouver enfin un logis agréable et confortable.

L’immeuble aux cent fenêtres Photo Nord Eclair

En Avril 1960, l’office départemental HLM met la dernière main aux immeubles des Hauts Champs et de la Potennerie Blanche. Il semble que le site de la rue Montgolfier entre les rues Philippe Auguste et Dupuy de Lôme, ait été complété par un chantier plus modeste à l’angle du boulevard de Reims et de la rue Jean Baptiste Notte, là où se dressait jadis un château, qui fut la propriété de M.Bossut Plichon, et dont le dernier occupant fut Charles Droulers, industriel, poète, et président de la société des Jardins Populaires. Primitivement ce terrain, situé dans l’angle formé par les boulevards de Lyon et de Reims, devait abriter un centre social et médical. Mais il fut ensuite rétrocédé à l’office départemental HLM à charge d’y bâtir, le centre devant être bâti boulevard de Fourmies.

Bien que les travaux soient bien avancés, car on procède au terrassement et au percement des voies et allées qui desserviront le nouveau groupe, lequel comportera 300 logements de différents types, on espère mettre les appartements en location pendant l’été. Sans doute avait-on été trop optimiste quant à l’achèvement des travaux.

D’après la presse de l’époque, et les chroniques des rues de Roubaix des flâneurs de la Société d’Émulation de Roubaix

La Petite Potennerie

Une vue des travaux du groupe scolaire.  S’agit-il de la petite Potennerie au fond ? Photo Nord Éclair

Nous avons évoqué le château Dhalluin, plus connu sous le nom de Grande Potennerie. Il y avait un autre château Dhalluin, dans la même propriété, plus modeste que le précédent, mais également habité par une famille Dhalluin. Il s’agit de la famille de Maurice Dhalluin et de Louise Virnot, mariés en juin 1919, et qui habitaient auparavant au n° 19 de la rue Charles Quint à Roubaix[1]. En 1920, alors que la famille va s’agrandir, ils décident de louer la demeure de la Potennerie qui est la propriété de Mme Alfred Motte. Voici la description qu’en fait Monique Dhalluin qui vécut là son enfance :

Cette maison de brique aux arêtes et décors de pierre blanche était située en plein quartier ouvrier, au milieu d’un grand parc tout clos de murs surmontés de tessons de bouteilles pour décourager les intrusions éventuelles…

On accédait à la propriété par une entrée située rue Jules Guesde, qui donnait sur une petite voie d’accès. Il sera question un moment d’établir la jonction entre la rue de Bouvines et la rue Montgolfier, en prolongeant cette petite ruelle. Le projet fut abandonné. La petite voie d’accès subsiste néanmoins et dessert désormais le groupe scolaire. L’autre entrée de la propriété se trouvait rue Dupuy de Lome.

En septembre 1955, sont entrepris les travaux de creusement et de fondations pour le nouveau groupe scolaire de la Potennerie. Le grand mur qui entoure la propriété et qui menace de s’écrouler par endroits, sera bientôt abattu pour laisser apparaître un groupe scolaire dans un nid de verdure.


[1] Tous ces détails figurent dans le livre de souvenirs de Monique Dhalluin, fille du couple Maurice et Louise Virnot.

La grande Potennerie

Le Château D’halluin dit la Grande Potennerie en 1964 Photo Nord Éclair

La seconde partie du parc de la Potennerie, correspond au n°4 de la rue du Tilleul, aujourd’hui rue Jules Guesde. La propriété appartient à Madame Alfred Motte, née Berthe Scrépel (1870-1943), belle sœur d’Eugène Motte, industriel, maire de Roubaix de 1902 à 1912. Deux maisons de maître s’y trouvent : la Grande et la Petite Potennerie. Elles étaient habitées par la famille de Jules Dhalluin Balay pour la première, qui gardera le nom de château Dhalluin dans la mémoire collective, et la famille de Maurice Dhalluin Virnot occupait la seconde. Madame Alfred Motte est la belle mère de Jules Dhalluin, qui a épousé en première noces Berthe Motte, laquelle est décédée en 1913.

Les Dhalluin, nous explique Monique[1], étaient une famille d’industriels depuis longtemps vouée au textile (…) La matière première était la laine. La firme D’Halluin Lepers Frères sise rue de la Fosse aux Chênes quant au siège social, avait des usines à Wattrelos, Mouscron, à Ohain, au Cateau et un atelier à Roubaix.

Monique, qui habite la Petite Potennerie,  évoque la maison de son oncle Jules : la demeure de notre oncle, plus vaste et plus luxueuse que la nôtre, était très belle avec ses larges portes fenêtres alignées sur la terrasse qui s’étendait sur toute la longueur de la façade. Mais entre les deux domaines, nulle délimitation clairement définie …

Elle décrit les dépendances : un logement de gardiens et une petite ferme basse[2] avec écurie, sellerie, logement des fermiers et divers locaux en prolongation, porcherie, clapier, poulailler, et par devant le tout un enclos de fumier et une petite mare… De l’autre côté du parc un bâtiment servait de maison de gardiens, de garage et de logement pour les domestiques. Il y avait aussi des serres dans un grand potager verger…

Elle évoque également un vieux tennis, des manèges, des buttes, des fossés et une grand pièce d’eau entourée de rochers artificiels, de chemin s tourmentés et rocailleux et d’une grotte…des bancs, des statues décoraient le parc …des lions accroupis, un faune cornu, un buste de déesse.

Le 3 juillet 1961, la ville achète la propriété avec le projet de construire à cet endroit un lycée technique de jeunes filles, qui remplacerait celui de la Place Notre Dame devenu insuffisant. Laissé à l’abandon trois années durant, le parc boisé est devenu un vaste terrain vague, et l’immeuble est régulièrement vandalisé, on a même tenté d’y mettre le feu. L’idée de transformer cette propriété en jardin public et l’immeuble en maison de jeunes a été un moment évoquée. La presse mentionne une pièce d’eau asséchée et une grille d’entrée rue du Puy de Lôme.  La Grande Potennerie a survécu quelques années à la Petite Potennerie. Le Collège Jean Lebas, dit de la Potennerie, occupera son emplacement en 1967.


[1] Monique D’halluin, fille de Maurice et Louise Virnot. Elle raconte ses souvenirs dans un ouvrage conservé dans le fonds patrimonial de la Médiathèque de Roubaix
[2] Construite en 1897 d’après les archives municipales