Vingt ans après le tracé de la rue de Leers, et à la demande des riverains, on projette en 1890 le percement d’une rue parallèle, qui relierait le chemin du Sartel et le chemin de Carihem. Cette voie va couper en deux les terres de la ferme Bury-Courcelles, appartenant alors à Emile Tiers, qui représentent l’essentiel des terrains entre le canal et la voie du chemin de fer. La ferme elle-même est desservie par un court chemin privé ouvrant sur la rue de Leers. La nouvelle rue la borderait ainsi à l’Ouest. M. Tiers est également propriétaire d’une autre ferme située rue de Carihem, à son carrefour avec la future rue. Le plan d’origine s’arrête à l’ancien chemin n°9 dont la partie allant du Sartel aux trois Ponts a été coupée en deux par la construction de la gare du Pile. La dernière partie du chemin allant vers le canal deviendra la rue Basse.
Les riverains signataires de la pétition s’engagent à céder le terrain nécessaire au percement d’une voie de 12 mètres de large, comportant une chaussée de 7 mètres qui serait pavée au fur et à mesure des constructions et comporterait un aqueduc destiné à évacuer les eaux de cette zone. Ils s’engagent également à participer aux frais d’établissement de la voie et de l’aqueduc. La mairie, soucieuse d’ajouter une voie qui permettra aux industries de s’installer entre chemin de fer et canal, autorise l’ouverture de la rue Boucicaut, et la classe dans le réseau des voies publiques roubaisiennes. Mais l’aqueduc ne dépassera jamais la rue d’Amsterdam. Dès l’année suivante, les Hospices, propriétaires du triangle formé par le boulevard Beaurepaire, la rue Basse, et le chemin de fer, acceptent de céder gratuitement le terrain nécessaire à la prolongation de la rue jusqu’au boulevard.
La proximité du canal et du chemin de fer favorisent la desserte d’entreprises industrielles, et celles-ci s’installent très vite : dès 1903 s’installe le long de la rue, la fabrique d’engrais Honoré de Koning qui s’étend sur 80 mètres de façade ; puis, un peu plus loin, l’atelier de mécanique de M. Grau. De l’autre coté, s’implante la brasserie Brichaert Gertgen. En 1909, M. Deroubaix demande l’autorisation de construire une fonderie de fer et de cuivre. On trouvera dans les années suivantes une fonderie au 3 (Cateau et Espriet), et une autre au 75 après la rue d’Amsterdam (J. Menu). En 1935, on la retrouve sous la dénomination des fonderies du Sartel. Cette même année, s’implante une entreprise de charpente métallique au 14 (M. Browaeys) et du côté pair une usine d’engrais Houzet-Debruycker. Plus tard, après la guerre, l’entreprise Mather et Platt font construire un atelier de mécanique à côté des établissements Browaeys.
Une photo aérienne de 1932 nous montre la densité des constructions du début de la rue :
Photo IGN
On voit également que la rue accueille aussi des habitations, souvent implantées par rangées transversales, propriétés de MM. Triboux, Tiberghien et Farvacque. En 1943, on trouve la cité Dorchies après le numéro 67.
Mais, sans qu’on sache trop pourquoi, les constructions ne semblent pas s’étendre au delà de la limite de l’ancienne ferme de Bury-Courcelles. La rue, encore qu’incomplètement viabilisée, et revêtue de scories, est pourtant tracée jusqu’à la rue de Carihem. Elle est même suffisamment empruntée pour que la traversée de la voie ferrée soit protégée (après guerre, M. Lemaire est garde-barrière). Mais, ne desservant pas d’habitations, la rue est de moins en moins utilisée. Sa largeur diminue faute de passage et elle ne dessert plus que des jardins ouvriers. Enfin, en 1973, la création du centre de tri lui porte le coup de grâce ; la maison du garde-barrière est rasée et la rue est barrée, n’offrant plus, vue du ciel, que l’aspect d’un simple sentier.
La rue, qui comptait 945 mètres de longueur en 1958, est désormais coupée en son milieu et sa dernière partie annexée au centre de tri. Les passants n’auront même pas eu à perdre l’habitude de l’emprunter jusqu’au bout !