Le 123 boulevard de Fourmies

Herménégilde Da Silva ( que l’on prénomme Achille ) habite au 85 boulevard de Fourmies à Roubaix, au début des années 1950. Il fait l’acquisition d’un terrain vierge au 123 de ce boulevard. Cette parcelle se situe à l’angle de la rue Carpeaux, précisément au N° 83. Il demande un permis, en Octobre 1956, pour la construction d’un immeuble : une maison d’habitation avec magasin. Il fait appel à l’architecte J Delplanque pour dessiner les plans.

Plan de l’habitation ( document archives municipales 1956 )
vue aérienne 1957 la maison en construction ( document IGN )

Le rez de chaussée est composé du magasin, de l’entrée, la salle de vie, la cuisine et la cour. Le garage est accolé avec une entrée rue Carpeaux. A l’étage, se trouvent les cinq chambres et la salle de bains. L’ensemble représente une superficie de 107 m2. Les travaux se terminent en 1958.

La façade ( document archives municipales 1956 )

Herménégilde Da Silva est artisan en plomberie et couverture. Son magasin propose des articles d’électro-ménager : cuisinières, réfrigérateurs, téléviseurs, appareils de chauffage, sous les grandes marques nationales : Philips, Arthur Martin, Scholtés etc

Il communique rapidement, par de la publicité dans la presse locale.

publicité ( document Nord Eclair 1962 )

A la fin des années 1960, il développe des marques complémentaires, comme Fobrux et les célèbres cuisinières Coussement fabriquées à Roubaix.

Publicités ( documents Nord Eclair )

Il propose également, au début des années 1970, une gamme d’articles cadeaux, et reste bien sûr, le spécialiste de l’installation de chauffage central au gaz et au fuel.

publicité document Nord Eclair 1971

Herménégilde Da Silva cesse son activité en 1978. Le fonds de commerce est alors repris par Mme Francine Segard-Beulque et devient un magasin de décoration à l’enseigne Ambiance. Francine Segard propose une gamme de papiers-peints, moquettes, peintures et accessoires.

publicité document Nord Eclair 1978
publicité document Nord Eclair 1980
publicité document Nord Eclair

En 1982, Francis Segard, le mari de Francine, installe son commerce de Pompes Funèbres dans le garage au 83 de la rue Carpeaux avec l’enseigne Segard et Buisine.

Francis et Francine entretiennent d’excellentes relations avec les autres commerçants du quartier. Francis Segard est élu président de l’Union des Commerçants du Nouveau Roubaix en 1987.

Francis Segard ( document Nord Eclair 1986 )

Les affaires des pompes funèbres Segard et Buisine fonctionnent très correctement dans ce quartier du Nouveau Roubaix. Le manque de place se fait cruellement sentir. Francis et Francine décident alors d’arrêter le commerce de décoration « Ambiance » et de consacrer cette place disponible à la création d’une surface de vente spécifique à l’entreprise Segard et Buisine, en Mars 1988. L’agrandissement se réalise sous la gérance d’André Hue, le beau frère de Francis.

publicité document Nord Eclair 1988

En 2001 , le photographe Robert Vandeputte, au 125 boulevard de Fourmies juste à côté, cesse son activité. Le couple Segard reprend le local du studio-photo pour le transformer en funérarium en 2002 après travaux.

Photo BT 2024

Les pompes funèbres Segard et Buisine sont toujours présentes de nos jours aux 123 et 125 boulevard de Fourmies. L’entreprise est désormais dirigée par Benoit et Hervé Hue, les deux fils d’André Hue.

Photo BT 2024

Remerciements à Francis Segard ainsi qu’aux archives municipales

Le caviste du Nouveau Roubaix

Le 129 du boulevard de Fourmies a toujours été occupé, depuis des décennies, par un commerce de vins et liqueurs. Dans les années 1930, la boutique est gérée par L. Reumont, puis ensuite par Mme Routier.

Adrien Buisine est né en 1919 à Marcq en Baroeul. Il est chevillard à son compte, à l’abattoir de Lille et est spécialisé en viande chevaline. Les affaires fonctionnent correctement, mais sa passion reste l’oenologie, il adore déguster et comparer les grands vins, et en particulier ceux de la région bordelaise. Il souhaite changer de métier, et reprend le commerce de vins du boulevard de Fourmies, devenu libre d’occupation à la fin des années 1940.

Adrien Buisine ( document M. Buisine )

C’est une boutique d’environ 50 m2. Adrien est caviste, il propose à sa clientèle un grand choix de vins, liqueurs, spiritueux, apéritifs, alcools etc.   Il garde l’enseigne existante : Aux Caves des Boulevards. Adrien est marié à Olga. Ils ont un fils Guy. Ils habitent dans un premier temps à l’étage, mais le logement est trop petit, ils emménagent alors dans une maison à Flers Babylone.

Adrien, sa mère Julienne et son fils Guy devant la devanture ( document M. Buisine )

La photo ci-dessous date du début des années 1950. On y reconnaît Adrien assis sur un tonneau, à côté de son fils et sa femme Olga. Sur le terrain vierge voisin, sera construit peu de temps après, le magasin de Jean Duthoit au 127, le studio photo de Robert Vandeputte au 125, et le commerce d’électro ménager de H Da Silva au 123 au coin de la rue. Les maisons que l’on aperçoit au fond sont situées dans la rue Carpeaux.

Devant le magasin boulevard de Fourmies ( document M. Buisine )

De même sur la photo ci-dessous, se trouve donc à droite le commerce d’alimentation de M. Prouvost Dugimont au 131 et à gauche le terrain vague où sera construit le magasin de Jean Duthoit au 127. Les maisons dans le fond, se trouvent dans la rue Rubens.

Olga et Guy devant la façade ( document M. Buisine )

Adrien et Olga prennent un soin tout particulier à soigner la vitrine, changent régulièrement de thème de façon à faire venir le client. Ci-dessous vitrine avec de nombreuses bouteilles de Mandarine Napoléon

La vitrine Mandarine Napoléon ( document M. Buisine )

Adrien est vraiment un homme passionné par le vin. Il s’approvisionne régulièrement chez les producteurs et vignerons et en particulier chez les établissements Ouzoulias à Libourne. Il recherche toujours dans les domaines et châteaux, des vins exceptionnels à des prix compétitifs et se fournit également chez un grossiste local, les Ets Broutin rue de Toulouse à Roubaix, ainsi que par des représentants multicartes. Dans le fond du magasin où sont stockés les tonneaux de vins, il met en bouteille lui même les vins qu’il sélectionne pour les proposer au meilleur prix.

Adrien et Olga ( document M. Buisine )
Adrien et son ami le boulanger Omer Fassin du boulevard de Fourmies.( document M. Buisine )

Adrien est intronisé dans la confrérie de la Jurade de Saint Emilion qui entretient la mémoire des vins et assure leur succès à travers le monde. Adrien fait partie désormais des 140 jurats qui perpétuent les valeurs de partage, de découverte, de transmission et de tradition.

la confrérie La Jurade de Saint Emilion ( document collection privée )
Adrien intronisé, vêtu de sa toge( document M. Buisine )
son précieux diplôme ( document M. Buisine )

Adrien entretient d’excellentes relations avec les commerçants du boulevard de Fourmies. Il est président de l’Union des Commerçants du Nouveau Roubaix, président du Comité des fêtes du quartier, et il devient membre titulaire de la Chambre de Commerce de la Métropole.

Adrien est administrateur de la CIRCI, caisse de retraite pour les travailleurs indépendants. Sa deuxième passion c’est son action de militant au sein des organismes chargés de défendre les intérêts de sa profession. Comme son maître à penser Jean Dearx, il milite de manière à ce que la profession ne soit pas asphyxiée : « Se spécialiser, s’unir ou périr ! ». En 1969, il devient membre de l’UCAM Union des Commerçants et Artisans de la Métropole. Pendant toute sa carrière, il va lutter pour la défense des Commerçants et Artisans et en particulier sur la loi de 1968 sur l’assurance maladie obligatoire des travailleurs non salariés.

Adrien fait alors partie du CID, Comité d’Information et de Défense, qui devient quelques temps après, le CIDUNATI, Confédération Intersyndicale de Défense et d’Union Nationale des Travailleurs Indépendants. Il négocie et discute au plus haut niveau et en particulier avec Maurice Schuman, ministre des affaires sociales en 1969 et Robert Boulin, ministre de la Santé en 1970.

document Nord Eclair
( document M. Buisine )
Adrien et Olga avec des amis dans les années 1970 ( document M. Buisine )

Olga, qui aide son mari dans le magasin, surtout pendant ses autres occupations, décède en 1977. Adrien ferme son magasin à la fin de l’année 1984 et prend sa retraite.

De nos jours, au 129 boulevard de Fourmies, se trouve le café de la Presse du Boulevard.

Photo BT

Remerciements à Michèle et Florence Buisine ainsi qu’aux archives municipales.

Une héroïque ouvrière

Marie Bettremieux, née Marie Buisine, habite avec son mari, Henri, au 96 rue de la Balance. Ils ont 3 enfants : Henri, Marie et Simone. A l’âge de 55 ans, en 1924, elle est ouvrière à l’usine Demarcq, fabricant de toiles, sacs et tapis, au 1 quai du Sartel. Elle travaille dans la pouponnière de l’usine, où sont gardés les enfants des ouvrières, pendant les heures de travail. Elle est responsable de cette garderie depuis 1921.

( Document coll. priv. )

Le 24 Octobre 1924, le feu se déclare au milieu de l’après-midi au sous sol de l’usine, où sont stockées les matières premières et en particulier la toile de jute qui sert à la fabrication des sacs. Le feu se propage à une rapidité foudroyante et atteint très vite l’escalier qui conduit à la garderie.

( Document Le Pèlerin )

Une dizaine de bébés se trouvent dans le dortoir. Marie Bettremieux s’y précipite et sort plusieurs enfants en deux ou trois fois ; ils sont sains et saufs mais il reste deux poupons. Marie, n’écoutant que son courage, retourne dans le fond du dortoir où se trouvent les berceaux des derniers enfants : un garçonnet de 3 ans et une fillette de 18 mois. Mais le brasier est épouvantable et l’héroïque gardienne ne revient pas.

( Document coll. priv. )

C’est seulement à la nuit tombée que les pompiers peuvent sortir les corps carbonisés des deux enfants ainsi que celui de Marie, morte pour avoir essayer de les sauver. Ce drame provoque dans toute la ville une émotion intense et incommensurable. Jean Lebas, maire de Roubaix, décide alors d’organiser des funérailles solennelles pour ces trois victimes.

( Document coll. priv. )

«  Désirant perpétuer le souvenir de cette humble femme du peuple qui n’hésita pas à sacrifier sa vie pour sauver celle des autres, votre administration a décidé, à titre d’hommage public, de donner son nom à une rue de la Ville.  » C’est en ces mots élogieux que, le 5 Décembre 1924, le maire de Roubaix, Jean Lebas, parle de la femme qui a donné son nom à l’ex-rue de la Balance, Marie Buisine.

( Document coll. priv. )

Sur la plaque de la rue portant son nom, figure l’inscription « Victime du Devoir au cours de l’incendie du 24 octobre 1924 ».

Marie Bettremieux, née Marie Buisine, a été décorée de la croix de la Légion d’honneur à titre posthume, sur la proposition de M. Chautemps, ministre de l’Intérieur. Son mari Henri, déjà durement éprouvé par la mort de son fils en 1918, ne se remet pas de la disparition brutale de sa femme et décide de mettre fin à ses jours en 1925. Le sublime dévouement de cette humble ouvrière, morte pour sauver « ses chers enfants », sera souvent cité en exemple dans les leçons d’éducation morale.

La crèche en 1894 ( Document Archives Municipales )

Au début des années 1960, la crèche municipale, située au 57 rue Marie Buisine (construite en 1894), est rasée pour cause de vétusté. En 1964, la nouvelle crèche Marie Buisine est construite sur le même emplacement. Elle est plus vaste, plus spacieuse, capable de recevoir une quarantaine d’enfants, et surtout avec une orientation différente.

( Document Archives Municipales et Photo BT )

Cette crèche est toujours en fonction et sera transférée, en 2020, à deux pas, rue Lannes, dans un immense centre social multi-accueil, comprenant une crèche, un CCAS ( centre communal d’action sociale ), une PMI ( protection maternelle et infantile ). Les travaux devraient démarrer en 2019 ; l’inauguration est prévue en 2020.

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Remerciements aux Archives Municipales et au personnel de la crèche Marie Buisine.

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