Les expropriés du carrefour

Les expropriations ont donc lieu en deux temps : d’abord en 1912 pour la rangée de la rue Jean Moulin et l’extrémité de la rue de Lille, en 1932 pour la partie bordant le boulevard de Paris. Essayons de voir ce que deviennent ces commerçants.

En ce qui concerne les expropriations de 1912, le pâtissier Van Haelst quitte le 3 rue de Lille et fait quelques mètres pour s’installer au 2 boulevard de Paris, où nous allons le retrouver en 1932. Le commerce de tapis, tenu par Mme veuve Rohart-Mahieu s’installe rue St Georges  (aujourd’hui la rue du général Sarrail) où elle ré ouvre son commerce au numéro 22. Elle change son activité en 1923 pour vendre de la la bonneterie. Le sellier Dupureur reste sur place jusqu’en 1914, puis cesse apparemment son activité et on perd sa trace à Roubaix après la guerre.

Au moment de l’expropriation de 1912, l’estaminet de la barque d’or, qui avait donné son nom au carrefour ferme. Son tenancier, Henri Duvillers, traverse alors la rue de Lille pour s’implanter sur le trottoir d’en face au 4, où il reprend l’hôtel de Paris. Il y restera jusque vers 1925, année où monsieur Gyselinck reprendra l’hôtel.

L’enseigne de la barque d’or ne disparaît pourtant pas, puisqu’on la retrouve immédiatement au 64 bis de la rue Neuve où il orne désormais la façade du cabaret de M. Desmarez. Un cliché datant de la première guerre nous le montre à son nouvel emplacement.

La barque d’or et le café des arcades pendant la première guerre – document Médiathèque de Roubaix

Noter la flèche indiquant la « Kommandantur » sur le mur du café à gauche de la porte du café des Arcades. On voit que l’enseigne « la barque d’or » a remplacé le nom du propriétaire C. Desmarez, qui s’y trouvait depuis 1904. Il tient son commerce jusqu’à la fin des années 20, et cède son fonds en 1930, le nouveau propriétaire étant désormais Auguste Meegens-Desmarez – probablement son gendre. Celui-ci demande en 1933 l’autorisation de faire des travaux sur sa façade, bien que le bâtiment soit partiellement frappé d’alignement, considérant le fait qu’il abrite le siège du syndicat des cabaretiers.

Le café de la barque d’or et ses propriétaires dans les années 30 – documents Médiathèque de Roubaix

En 1939, on trouve toujours M. Meegens derrière son comptoir. En 1953, la barque d’or est passée dans les mains de monsieur Housay. Aujourd’hui, l’établissement, devenu café-restaurant, se trouve toujours au même emplacement.

L’estaminet aujourd’hui – Photo collection particulière
 

 Pour ce qui est des expropriations de 1932, on retrouve au 2, à l’angle, R.Van Haelst , le pâtissier exproprié en 1912 du 3 rue de Lille et qui a repris la boulangerie de M. Moreau.  Apparemment très attaché à notre carrefour, celui-ci s’est relogé sur place puisqu’il rouvre sa pâtisserie au numéro 14 du boulevard de Paris ! Il cessera ses activités en 1935, et la pâtisserie deviendra un magasin d’antiquités.
A. Shettle, dont la boutique de photographe se trouvait au 47 de la rue de Chanzy, s’installe dès 1893 au 4 du boulevard de Paris, à l ’emplacement de l’estaminet Hermain. Il fait (re)faire sa vitrine en 1904, alors que la propriété appartient à M. Derville-Wibaux. On le retrouve à la même adresse  en 1932. Après la la démolition et la construction du nouvel immeuble de rapport, il reprend son activité quasiment au même endroit et ré ouvre  son commerce au 1 de la rue de Lille en 1935. Encore un commerçant qui reste attaché à ce carrefour !

Documents collection particulière

En 1956 la raison sociale devient Shettle et ses fils, puis en 1988, Shettle photo vidéo. C’est aujourd’hui une agence immobilière qui est installée dans ce local.