Quand Wattrelos change le nom de ses rues

En novembre 1944, la guerre n’est pas finie, elle s’est éloignée. Depuis la libération de Wattrelos, la vie reprend avec les difficultés inhérentes à quatre années d’occupation : problèmes de ravitaillement, réorganisation des services…On pense toutefois à rendre hommage aux héros de la guerre et un certain nombre de rues reçoivent des nominations nouvelles dans les quartiers du Centre, du Crétinier, du Sapin-Vert.

rue du Général de Gaulle photo Google maps

On a ainsi la rue du Général de Gaulle (ex rue Neuve) qui établit la jonction entre la rue Jean Jaurès et la rue Henri Lefebvre. L’anodine rue Neuve porte désormais l’illustre nom du chef suprême de la France libre !

rue des otages photo Google maps

On crée une rue des Otages (ex rue des Prés) à la mémoire des victimes de la barbarie nazie avec un petit rappel pour ceux de 14/18.

rue Florimond Lecomte photo Google maps

Une partie de la rue de Leers (de la rue Jean Jaurès à la rue Négrier) devient la rue Florimond Lecomte. Est ainsi honoré le maire de Wattrelos, successeur d’Henri Briffaut, qui décéda quelques semaines à peine avant la libération de Wattrelos.

rue Seghers photo Google maps

Un morceau de la rue de l’industrie, de la rue de Beaurepaire à la rue de Stalingrad, est consacrée à Georges Seghers, cet employé de bureau père de cinq enfants qui fit partie de la résistance dans le groupe W.O.. Il fut arrêté et mourut à la prison de Loos en novembre 1943.

rue Georges Philippot photo Google maps

La rue des Ballons devient la rue Georges Philippot, en hommage au gardien de la paix, qui fut résistant avec le grade de lieutenant dans le réseau W.O. Sylvestre Farmer. Arrêté en mai 1944, il fut livré aux autorités allemandes et fusillé à Seclin en aout 1944.

rue Marcel Vaneslander photo Google maps

La rue de l’abeille prend le nom de Marcel Vaneslander, agent SNCF qui fut résistant et agent de liaison. Sa femme tenait le café logeurs au n°2 de la rue du Tilleul (place du Sapin-Vert) fermé par les autorités allemandes en juillet 1941. les miliciens découvrent son poste émetteur et il sera interné à la prison de Loos où il meurt en janvier 1942.

Rue des patriotes photo Google maps

La rue du Sapin-Vert devient la rue des Patriotes (Place du Crétinier-rue du Sapin-Vert). En hommage à tous les patriotes et résistants de la commune et en particulier en souvenir de la manifestation patriotique du 11 juillet 1941 au cimetière du Crétinier.

Rue Charles Castermant photo Google maps

La rue du Crétinier (Place du Crétinier-rue de Cartigny à Roubaix) devient la rue Charles Castermant. Employé municipal aux Bains Douches de Wattrelos, il est mobilisé en 1939 et fait la campagne jusqu’à l’armistice. Il s’engage alors dans la gendarmerie à Chelles en Seine et Marne et il entre dans la résistance. Dénoncé, il est arrêté par les allemands, pendu et fusillé en août 1944.

Rue Claude Weppe photo Google maps

La rue des champs (place du Crétinier-rue Saint-Vincent-de-Paul) devient la rue Claude Weppe. Résistant, il fut blessé par une patrouille allemande qui l’emmena à la feldsgendarmerie de Roubaix où il fut achevé.

Le Square Marcel Desprez se trouve entre la rue Émile Zola et la rue Descartes. Marcel Desprez était un résistant du W.O. à Wattrelos où il résidait, cité Amédée Prouvost. Il fut tué lors des combats de la libération le 6 septembre 1944 à Harelbeke en Belgique.

Le journal Nord éclair a ainsi annoncé la nouvelle dénomination des rues qui s’est effectuée début novembre 1944. Deux importants cortèges ont été conduits par MM. Dornier, maire et D’hondt premier adjoint. Y figurent la municipalité, les services municipaux, le comité de libération, les familles des héros et la plupart des groupements et sociétés locales. Des discours sont prononcés par MM. Dornier, D’hondt, Veyer Président des déportés, Deldalle président du comité de libération, Salembier du groupe des français condamnés par les conseils de guerre allemands, Rucquoy des Jeunesses Socialistes, Deffrennes du Mouvement de libération et par les représentants du comité des otages du parti socialiste de l’Amicale du W.O.

Florimond Lecomte

Le 24 avril 1944 s’éteignait un grand militant socialiste wattrelosien, Florimond Lecomte. Il est pour ainsi dire mort en fonctions, car il était maire depuis le décès de son prédécesseur et ami Henri Briffaut en 1938. Il n’aura donc pas connu ces instants de joie et de délivrance qu’a entraîné la libération de la France obtenue à partir du débarquement de juin et acquise dès septembre.

Florimond Lecomte doc Mairie de Wos

Florimond Lecomte est né le 15 février 1856 dans le quartier de la Vieille Place à Wattrelos d’un père tisserand. À vingt ans il fait son service militaire dans l’artillerie de marine, il est brigadier en 1878, sous chef artificier en 1879, remis brigadier en 1879, puis cassé de son grade. Il obtient son congé en 1881, mais son certificat de bonne conduite lui est refusé. Admis dans la réserve en 1882, il effectue des périodes en 1883 et 1885, à nouveau dans la réserve en 1886, 1896, puis il est définitivement libéré en 1902. Pourquoi ce grand gaillard (1, 72) aux yeux bruns a-t-il été rétrogradé ? L’armée reste muette à ce propos.

Entre-temps notre homme s’est marié en 1884 avec Irma Moerman originaire de Warcoing. Ils vivent ensemble à Lys-lez-Lannoy pendant quelques années puis reviennent à Wattrelos en 1889. Ils habitent alors au hameau du Crétinier. Irma donnera six enfants à Florimond, les trois premiers sont nés à Lys les trois suivants à Wattrelos.

Florimond Lecomte est toujours tisserand, il a rejoint la section locale du Parti ouvrier de Wattrelos créée par Henri Briffaut en 1886. Dès lors sa vie est liée à la politique. Dès 1890 Florimond habite dans la rue de Tourcoing. Là se trouve la Maison du Peuple, siège du parti socialiste local et la Coopérative l’Humanité.

La Maison du Peuple rue de Tourcoing Coll Particulière

Florimond Lecomte se présente aux élections municipales de 1892 et il est élu dans la section du Crétinier. Il est ainsi le premier collectiviste au Conseil Municipal de Wattrelos. Henri Briffaut est alors conseiller d’arrondissement. Les deux camarades seront élus au Conseil Municipal en 1896.

Le siège social de la coopérative l’Humanité de Wattrelos, fondée en 1897, est basé au 190, rue de Tourcoing. Florimond Lecomte y prend une part active. En 1930, elle totalisait 2000 sociétaires, et son CA 2.000.000 francs, la nature de ses marchandises était : Pain, Boucherie, Charbon.

Juste derrière la maison du garde barrière, l’estaminet de Florimond Lecomte Coll Part

En 1910, Florimond Lecomte est cabaretier, au n°75 rue Pierre Catteau, juste à côté de la maison du garde barrière. En 1944, il habitait au 1 rue Henri Carette.

Florimond Lecomte est premier adjoint depuis 1912, il s’intéresse aux finances communales, il fonde en 1913 l’œuvre des consultations de nourrissons, dont il est le président. Il aura fait fonction de maire pendant la déportation d’Henri Briffaut (14/18), et durant la longue maladie des derniers instants du mandat de Briffaut.

Une rue porte son nom depuis le 4 février 1945, de la rue de Leers jusqu’à la rue Négrier.

Le premier maire de l’après seconde guerre

Louis Dornier (1890-1950) Photo Ville Wattrelos

C’est suite au décès de son premier magistrat Florimond Lecomte que Wattrelos se découvre un nouveau maire : Louis Dornier, faisant fonction dès le mois de mai 1944, qui devient maire en septembre, quelques jours après la libération de la commune. Il le restera huit mois, jusqu’aux élections municipales des 29 avril et 13 mai 1945.

Louis Dornier est né à Wattrelos le 11 juin 1890 dans le hameau du Petit Tournai. Il est le dernier enfant d’une fratrie de sept.  Il est encore soldat au 41e régiment d’artillerie de Douai, lors de son mariage avec Laure Maria Cossement le 6 décembre 1912 à Wattrelos, en présence de ses deux frères Jules et Emile.

Louis Dornier a participé à la première guerre mondiale : on le retrouve notamment au 2e régiment d’artillerie coloniale (2e RAC) , 13e régiment d’artillerie (13e RA) , 41e régiment d’artillerie (41e RA) , 59e régiment d’artillerie (59e RA) , 255e régiment d’artillerie de campagne (255e RAC).  Il est d’abord engagé contre l’Allemagne et ses alliés jusqu’en novembre 1915, puis sur le front d’Orient de décembre 1915 à juillet 1919. De retour à la vie civile en octobre 1919, il est titulaire de la croix de guerre, et des médailles de Serbie et d’Orient.

Louis Dornier est secrétaire général de la section wattrelosienne du Parti socialiste en 1920. Entré au conseil municipal en 1924, il sera adjoint d’Henri Briffaut dès 1935, puis premier adjoint de Florimond Lecomte. Il exerce les fonctions d’administrateur de l’Hospice Hôpital depuis novembre 1939. Il sera responsable du service de ravitaillement pendant la guerre. Professionnellement il est  libraire, marchand de journaux.

Florimond Lecomte, maire de Wattrelos, décède le 21 mai 1944, Louis Dornier fait alors fonction de maire. En octobre 1944, il est procédé à l’installation de la délégation municipale. Jules Deldalle, président du comité local de la libération, donne communication de l’arrêté préfectoral désignant les membres de la délégation municipale. Louis Dornier est désigné président et maire, il installe les membres, puis prononce un magnifique discours dans lequel il rappelle le souvenir d’Henri Briffaut et de Florimond Lecomte, anciens maires, et il déclare que l’administration municipale tiendra permanence à la Mairie comme elle l’a toujours fait pour servir la population.

Il est décédé le 4 août 1950 quelques mois après avoir reçu la médaille d’honneur communale de Wattrelos en mai 1950. En son honneur la rue des Fleurs devient la rue Louis Dornier.