L’école du Laboureur, terrains et projets

Depuis l’ouverture de la rue Carnot et l’implantation de nouvelles entreprises dans le quartier, le Laboureur s’est développé et la population a augmenté. Mais avant qu’on parle d’y implanter une école, on aura favorisé l’arrivée du tramway et construit un vélodrome. Dès 1898, des réclamations sont faites quant à la salubrité des rues et on aborde régulièrement la question de la construction d’une école. Ainsi en Mars 1902 le projet d’une école au Laboureur est à nouveau formulé par M. Labbé. Il lui est répondu que la commission scolaire sera convoquée d’urgence.

La place Carnot Collection Particulière

En Février 1905, on sait qu’il est question depuis très longtemps de la réalisation d’un groupe scolaire au Laboureur. Ce quartier a pris un grand développement et les familles très nombreuses qui l’habitent doivent emmener leurs enfants dans diverses écoles assez éloignées. L’administration de M. Pollet avait bien fait dresser des plans mais il ne fut jamais question d’achat de terrain. La difficulté d’aboutir sur ce point c’est le manque d’argent car la construction d’un groupe scolaire coûte cher. Il paraît néanmoins que l’on envisage une solution et que le choix du terrain nécessaire serait prochainement arrêté.

En Janvier 1911, une lettre signée par un habitant du Laboureur est parvenue au Journal de Roubaix que celui-ci titre l’utile avant l’agréable, la nouvelle mairie de Wattrelos. Voici son contenu. Le Conseil municipal de Wattrelos a voté une surtaxe sur les charbons et les alcools dans le but d’ériger une nouvelle mairie. Il semble que la mairie actuelle est encore en état de servir pendant nombre d’années et qu’il serait préférable de faire construire avec cet argent une école mixte au Laboureur, car nos enfants sont obligés si nous voulons leur donner un peu d’instruction, de faire une route de trois quarts d’heure pour aller en classe, et cela à travers la pluie et le froid.

En avril 1912, les pourparlers pour l’achat du terrain sont en cours. Plusieurs propositions sont à l’étude, qui tournent autour de la rue Faidherbe, de la rue des trois bouteilles et de la carrière Dhalluin. Entre-temps le Préfet du Nord M. Trépont a validé le projet de construction aux conditions suivantes : que le terrain destiné à la construction du groupe scolaire du Laboureur soit suffisamment spacieux pour permettre la construction d’une école de garçons à cinq classes dont trois seraient bâties immédiatement, d’une école de filles de cinq classes dont trois seraient bâties immédiatement, et d’une école maternelle à trois classes. Le Préfet demande de hâter les démarches pour le choix du terrain afin d’établir au plus tôt les plans et devis des écoles projetées, pour qu’ils soient soumis au conseil général. À la réception de cette lettre, Joseph Thérin maire de Wattrelos charge M. Louis Barbotin architecte, 34 rue de Lille à Roubaix de donner son avis sur le choix du terrain. Celui-ci s’exécute et délivre ses observations par écrit. Tous les projets tournant autour de l’emplacement de la future place de la République qui n’est alors qu’un terrain cultivé en partie et encadré par des rues ou des sentiers.

Vue aérienne 1932 IGN Vue de la place de la république

Un premier projet front à la rue Faidherbe près du groupe d’habitations des Trois Bouteilles serait englobé par les constructions sur les trois faces. À rejeter. Un deuxième projet front à la carrière Dhalluin, près de la ferme de Tombequines est jugé un peu étroit. Les rues sont projetées et sans égouts. Orientation passable, aléas à prévoir du côté de la ferme. À rejeter. Un troisième projet situé à l’angle de la rue Faidherbe et de la carrière Dhalluin semblerait convenir. Maximum d’air et de lumière, de soleil, bonne orientation. Aqueducs existant carrière Dhalluin et à exécuter rue Faidherbe. La meilleure proposition qui nécessitera toutefois un drainage. Facile d’accès. Un quatrième projet angle de la rue Faidherbe et de la carrière Dhalluin, orienté différemment. Avantages du précédent, sauf qu’il sera enclavé sur le grand côté, à classer en second choix. Enfin une cinquième proposition sur la Carrière Dhalluin et la rue à ouvrir parallèlement à la rue Faidherbe, le terrain n’est aqueduqué que sur la carrière Dhallluin. Que deviendront les terrains contigus ? Le terrain est irrégulier avec difficulté d’accès, de surveillance de l’école, avec de grands frais de clôture. À rejeter. Les meilleurs projets sont donc les 3 et 4e. Mais les propriétaires MM. Carissimo, en exigent toujours 11 francs le m² utile. On décide d’envoyer des habitants du Laboureur, M. Labbé notamment, pour négocier et faire baisser les prix. Entre-temps interviennent les élections et la nouvelle municipalité dirigée par Henri Briffaut reprend le dossier.

Les propositions 3 et 4, à l’angle des rues Faidherbe et Lafayette (ex carrière Dhalluin) sont toujours les meilleures, mais le prix est inchangé. On argumente alors sur l’emplacement qui serait assez éloigné du noyau de construction formant le faubourg du Laboureur. Il faudrait l’installer au centre même du faubourg et justement un terrain se prête avantageusement au projet. L’inspecteur a donné son aval. Le nouvel emplacement se trouve facilement accessible par les rues des Arts , des Trois Bouteilles et de Roubaix et sans le danger des tramways et éloigné de toute industrie insalubre ou incommode. La parcelle appartient à MM. Salembier de Lys lez Lannoy et forme un trapèze de 3687 m2 et il est proposé à 10 francs du m². Le 24 septembre, c’est d’accord pour le conducteur des travaux et dans la foulée pour le conseil municipal. Les plans seront confiés à M. Albert Buhrer architecte.

En juin 1914, on en est aux adjudications pour la construction de ce groupe scolaire du Laboureur. Une répartition en sept lots : premier lot, terrassements, maçonnerie, malgré une proposition remportée par M. Planckaert de Roubaix, celle-ci n’est pas déclarée valable. Pas d’adjudicataire. Deuxième lot : carrelage et parquets. MM Raingaut de Roubaix et Duhamel de Wattrelos restent en concurrence mais le premier se retire. Troisième lot : plafonnage, entreprise Decock à Roubaix. Quatrième lot : charpente, menuiserie, quincaillerie, mobilier : Mme veuve Katanens à Roubaix. Cinquième lot : serrurerie, Pauwels Lemaire adjudicataire. Sixième lot : couverture, plomberie, installation sanitaire, gaz : Emile Henri. Septième lot : peinture, vitrerie, tapisserie, Alexandre Hautefeuille de Roubaix.

On s’apprête donc à construire dès que la liste des adjudicataires sera complète. Mais le 1er août 1914, c’est la déclaration de guerre et la mobilisation générale.

L’inauguration du monument aux Morts

le Monument aux Morts ( document Grand hebdomadaire illustré 1925 )

Pour commémorer l’héroïsme des 3000 roubaisiens tombés pendant la grande guerre 1914-1918, la municipalité a décidé d’ériger un monument aux Morts.

Ce monument s’élève initialement au début du boulevard Gambetta, à l’emplacement de la  »Fontaine des Trois Grâces », au carrefour du boulevard de la rue Neuve, de la rue du Moulin et du boulevard de Paris.

Le monument représente la statue de la paix écrasant l’hydre de la guerre. La statue est belle et imposante. Un tertre de gazon, clôturé d’une grille, entoure le monument.

Quatre bas reliefs sur le socle représentent le Travail, la Famille, l’Attaque et l’Exode.

L’œuvre a été créée par le statuaire et sculpteur douaisien Alexandre Descatoire et par l’architecte J. Wielhorski.

Mrs Descatoire et Wielhorski ( document Grand hebdomadaire illustré 1925 )

L’inauguration a lieu le dimanche 18 Octobre 1925. La date n’a pas été choisie au hasard, car le 18 Octobre 1914 les allemands entraient à Roubaix, et le 18 Octobre 1918 ces mêmes allemands quittaient la ville.

Toute la population de Roubaix rend un hommage solennel à ses glorieux soldats morts pour la France, durant la grande guerre 1914-1918.

Document Journal de Roubaix

La veille, le samedi soir 17 Octobre, a lieu une veillée funèbre : de nombreuses harmonies encadrées par les gymnastes de la  »Roubaisienne » jouent des airs funèbres et ce, pendant toute la soirée. Un éclairage efficace a été mis en place, et en particulier depuis le toit du café des  »Arcades ».

Une messe solennelle est célébrée le dimanche à midi en l’église Saint Martin devant une foule nombreuse, à l’intention de tous les roubaisiens tombés au cours de la grande guerre.

Une cérémonie a lieu à l’hôtel de ville. Parmi les nombreuses personnalités, sont présentes Mr le maire Jean Lebas, Mr Leroy secrétaire général de la préfecture, le général Moisson et de nombreuses autres personnalités représentatives des sociétés roubaisiennes.

Hôtel de ville ( document Grand hebdomadaire illustré 1925 )

En début d’après midi, un cortège immense composé de 43 formations musicales part de la rue de la gare, puis défile Grand Place, place de la Liberté et se termine boulevard Gambetta devant une foule considérable car une multitude de roubaisiens est accourue de tous les quartiers de la ville. Des dizaines de milliers de personnes sont massées sur les trottoirs, malgré un temps maussade et pluvieux. Presque sur toutes les maisons, des drapeaux aux couleurs nationales et la bannière des Amis de Roubaix témoignent de l’empressement des roubaisiens à participer à cette manifestation.

Pour ce cortège, de très nombreuses auditions musicales sont programmées particulièrement importantes par le nombre d’exécutants et par les œuvres proposées, dont la Cantate aux Morts, spécialement composée pour la circonstance, par deux roubaisiens : Édouard Sonneville et A.S. Demarsay.

L’emplacement autour du Monument aux Morts est exigu, seuls sont admis, dans l’enceinte réservée, les personnalités officielles. Les familles des soldats morts pour la France ( veuves et orphelins ) sont installées devant le monument.

document Grand hebdomadaire illustré 1925
document collection privée

Le public quant à lui, trouve de la place dans les rues adjacentes : rue de Lille, rue Neuve et rue du Moulin. Quant à la circulation des automobiles et des tramways, elle est bien sûr interdite.

document collection privée

Durant toute la soirée de ce dimanche 18 Octobre 1925, la foule défile devant le Monument aux Morts magnifiquement illuminé par la maison Deny rue Decrême : une grandiose journée d’union sacrée.

document collection privée

Remerciements aux archives municipales.