Premiers magasins et GIE

Le 19 janvier 1972, les supermarchés Lemaire ouvrent un 30ème point de vente de 3000 m² de surface. Cette société dont le siège se trouve à Hazebrouck vient à Roubaix avec une offre commerciale attractive : la qualité et le service du spécialiste alliés à la commodité et aux prix des grandes surfaces. Les premiers jours commerciaux de Roubaix 2000 seront donc animés par les activités promotionnelles du supermarché Lemaire, qui connaît un départ en flèche.

 

A la fin du mois de janvier intervient la création d’un G.I.E (groupement d’intérêt économique), qui regroupe tous les commerçants du centre, et dont la compétence est l’animation commerciale de Roubaix 2000. Un directeur salarié sera embauché dont le rôle est de trouver des idées d’animation commerciale, d’organiser des manifestations de promotion, de favoriser des expositions,… Les questions de copropriété, la répartition des assurances des bâtiments, les charges communes (gardien, escalators) sont confiées à un syndic du centre commercial. Les commerçants du GIE de Roubaix 2000 se déclarent indépendants mais souhaitent avoir des rapports de bon voisinage avec leurs collègues du centre et de la rue de Lannoy. Ils actent le nom de Roubaix 2000. Les ouvertures de magasins commenceront dès Pâques 1972, mais l’inauguration aura lieu à la Pentecôte. Quelques problèmes subsistent, parmi lesquels l’accès des piétons au centre commercial, venant de la place de la liberté ou de la rue Pierre Motte, vu le passage continu entre les boulevards Leclerc et Gambetta. On parle d’aménager le terre plein, de démolir une maison qui fait l’angle de la rue de Lannoy…Une enseigne lumineuse Roubaix 2000 sera bientôt posée, et on rassure les commerçants, leur patentes ne seront pas plus élevées qu’au Lido.

Roubaix 2000 Segard et Criston pub NE

 

En mars, le chemisier habilleur Criston et les tissus Segard annoncent leur ouverture dans le centre commercial.  Les premières mesures du GIE : confier le nettoyage à la municipalité, installer une sonorisation permanente et mettre en place la surveillance générale du centre avec une équipe de gardiennage. En avril,  une cafétéria de 300 places, un magasin tout pour l’enfant, un magasin d’habillement masculin, un magasin d’habillement professionnel et de loisirs, une boutique de tissus et le chausseur Cendry vont ouvrir.

 

En avril également, quatre grands constructeurs automobiles viennent exposer leurs derniers modèles sur le parvis de Roubaix 2000, alors qu’on attend l’ouverture de deux magasins Blondeau « up » et « mini up ». Les majorettes de Lambersart viennent compléter le tableau.

 

En Mai c’est l’ouverture de la Gourmeteria au dessus du supermarché Lemaire.

 

Le comité du GIE est nommé, le président en est Jean Papillon, le secrétaire Christian Gourniaux et MM Lepez, Bocage, Desrousseaux et Basuyaux en sont membres, M. Jacquard étant le contrôleur de gestion. Le recrutement d’un directeur est à l’ordre du jour. Mais les installations prennent du retard, et l’inauguration de la Pentecôte est remise à plus tard. Ce sera pour septembre…

D’après Nord Éclair

Péripéties avant l’ouverture

maquetteLa maquette du centre commercial Photo Nord Éclair

On connaît la configuration du futur centre commercial au moins par l’exposition de sa maquette, en juin 1969 dans un magasin de l’allée centrale du Lido, le centre provisoire de transit entre les commerces de la rue de Lannoy et Roubaix 2000. Elle provient des bureaux d’études de la S.E.G.E.C.E à Paris. En novembre 1969, le hall d’information ainsi équipé reçoit les candidatures et les demandes de renseignements, mais il est également possible de s’adresser aux bureaux parisiens de la S.E.G.E.C.E.

rx2000ducielLe centre commercial en chantier Photo Nord Éclair

Mars 1971, M. Maisonneuve, directeur de la S.E.G.E.C.E vient commenter devant la presse la maquette du centre commercial, et un de ses collègues annonce que des études sont en cours pour permettre aux commerçants indépendants d’avoir accès à une formule de prêt leasing sur 14 ou 16 ans. Quelques péripéties ont retardé son ouverture : le grand magasin qui devait jouer le rôle de locomotive s’est désengagé, un projet d’un collectif de commerçants indépendants aurait contribué à arrêter le chantier, et surtout on s’est aperçu que le terrain du centre commercial ne pouvait être vendu aux commerçants puisqu’il appartenait à l’Etat ! En effet, il est construit sur l’emplacement de la rue de Lannoy qui est une route nationale, et on a oublié de la déclasser, sept ans après sa fermeture à la circulation !

Le crédit lyonnais s’installe dès l’été 1971. Suivent l’ouverture du parking en septembre 1971 et du cinéma en octobre 1971. En décembre, la moitié des commerces sont vendus, la plupart roubaisiens, mais peu réintègrent la rue de Lannoy qu’ils ont quitté quelques années plus tôt, parmi lesquels les Ets Blondeau.

Trente cinq parcelles ont été attribuées : huit magasins de confection, quatre de chaussures, deux marchands de tissus, un pressing, une maroquinerie, une droguerie, une boutique loisirs hommes, un magasin d’électroménager, deux banques, un opticien, un assureur. Il faut y ajouter un drugstore, le cinéma, une crêperie restaurant, un café brasserie. Il reste une trentaine de cellules : une boulangerie, une charcuterie, un traiteur sont souhaités et on cherche un libraire…

demlondeauPublicité Blondeau dans Nord Éclair

Le magasin Blondeau annonce son transfert du Lido vers le nouveau centre encore nommé Lannoy 2000 en décembre 1971, et c’est l’occasion des ventes exceptionnelles. On discute encore du nom du centre commercial, et ça se joue entre centre commercial de la rue de Lannoy et Roubaix 2000. La fédération des groupements commerciaux de M. Coquant opte pour la 1ere, qui lui semble sans doute moins agressive commercialement parlant. Alors que l’ouverture se profile pour le printemps 1972, on apprend qu’un supermarché Lemaire ouvrira ses portes le 12 janvier.

Le cinéma de Roubaix 2000

colisee2bisPrésentation de la nouvelle salle aux officiels Photo Nord Éclair

En septembre 1971, alors qu’on se prépare à l’ouverture du centre commercial, la presse annonce l’ouverture de deux cinémas, l’un dans le centre lui-même, le colisée 2 et l’autre, à deux pas, dans la grand Rue, le Club.

Le colisée 2 est situé au premier étage  du centre commercial, juste à côté de l’escalator. C’est une salle de 220 places qui sera présentée à la municipalité et aux personnalités le 5 octobre à 18 h 30. La première manifestation officielle du centre commercial Roubaix 2000, après l’inauguration du parking, c’est donc la présentation du nouveau cinéma aux officiels, avec drapeaux tricolores, visite guidée et démonstration. Le maire Victor Provo et M. Thibeau adjoint sont présents parmi les personnalités. MM Deconninck et Desrousseaux, gérant et directeur du Colisée guident leurs hôtes dans la nouvelle salle. M.Deconinck signale que le public revient au cinéma à Roubaix. M. Fabre, l’architecte, explique le but recherché : l’époque est aux petites salles, avec simplicité et confort, pour attirer la clientèle dans le centre commercial. Victor Provo remercie M. Deconinck pour son audace créative, et il coupe le ruban qui barrait le système de commande de la projection. Pendant vingt minutes, les premiers spectateurs ont pu admirer la qualité de l’image et du son grâce à quelques documentaires.

colisee2Le système de projection automatique Photo Nord Eclair

L’inauguration proprement dite se fera le 12 octobre avec la projection du premier film et une réception. Pour l’occasion, on joue la première à Roubaix du film de Claude Lelouch « Smic Smac Smoc ». Le décor est minimaliste, pas de scène, un mur de briques et de moquette, pas de jeux de rideaux compliqués devant l’écran. Les fauteuils sont spacieux et confortables, le sol recouvert de moquette… L’espacement des sièges, la climatisation, la bonne déclivité facilitant une vision toujours dégagée contribuent à faire de cette salle un agréable lieu de loisirs. La projection est automatique : mise en route du film, ouverture et fermeture de la lumière dans la salle, réglage de l’écran à la bonne dimension, diffusion de la musique d’ambiance. L’appareil de projection est équipé d’un système à plat qui permet la projection de plus de quatre heures sans discontinuité. Un petit ordinateur à cartes perforées donne l’ordre des modifications en cours de programme.L’exploitation de cette salle demande un personnel réduit : un opérateur (qui pourra s’absenter) une caissière et une ouvreuse. Un circuit de télévision permet de suivre le déroulement du programme depuis la caisse. Deux maisons roubaisiennes ont contribué à l’équipement du Colisée 2 : les travaux de marbrerie ont été effectués par les Ets Duquesne 210 grand rue, et les Ets Scrépel Pollet ont réalisé le contrôle de projection par télévision en circuit fermé. De fait ce cinéma se présente comme la première salle automatisée du Nord. Le prix de l’époque : 6 francs jusque 17 heures, et  8 francs après, le cinéma étant permanent.

salle colisee2La salle du Colisée 2 Photo Nord Eclair

Dès le lendemain, le Colisée 2 est ouvert à l’exploitation. C’est une salle qui fonctionne de 14 h à 23 heures, c’est-à-dire qu’il y a quatre projections par jour sans interruption. Des séances pourront être présentées le matin et à l’heure de midi. Assez paradoxalement, la presse annonce que les films présentés là ne seront pas ceux qui attirent la grande foule. Il est également envisagé la projection une fois par semaine d’un film d’art et d’essai. Le Colisée 2 est le premier cinéma de poche permanent de Roubaix, il sera suivi le 15 novembre par le Club, salle annexe du Casino, dont l’entrée se situera Grand Rue.

La boulette !

lannoy2000
Publicité parue dans Nord Éclair

Juin 1971, l’ouverture du centre commercial est à présent imminente. Une campagne publicitaire est alors lancée, d’une part pour annoncer l’événement prévu à l’automne, et d’autre part pour relancer la vente des surfaces commerciales. Mais stupéfaction générale, le centre commercial a pris le nom de Lannoy 2000 !

Voici qui replonge les deux cités dans leur combat médiéval, à l’époque où Pierre de Roubaix, de la Maison de Bourgogne, s’en allait à la tête de ses chevaliers, châtier Jean de Lannoy, inféodé au roi de France ! Etre un roubaisien heureux, c’est devenir lannoysien (comprendre lannoyen) c’est donc quitter Roubaix ? Inversement, Lannoy devient le cœur de Roubaix ? C’est à y perdre son latin !

Accessoirement, parler de Lannoy 2000, c’est éviter de parler des longues haies (ou oublie définitivement) et d’Édouard Anseele (un flamand, collectiviste qui plus est !).

La rue de Lannoy deviendrait donc un quartier ? C’est oublier un peu vite les quelques kilomètres de commerces qui portent encore ce nom du boulevard de Belfort jusqu’à Lys Lez Lannoy !

Cette boulette publicitaire est dénoncée par la presse roubaisienne, comme « l’œuvre imprudente de publicitaires parisiens ignorant la géographie locale ».

De fait la question du nom n’est pas tranchée. En septembre, diverses propositions ont été lancées, dont Lannoy 2000, Point Nord, ou encore Lido…En décembre, la dénomination Roubaix 2000 semble faire l’unanimité. Ce centre commercial aura finalement été bien mal nommé, puisqu’il ne connaîtra pas l’an 2000, ayant été démoli juste avant. Mais ceci est une autre histoire…

L’ouverture du parking

Le Café Les Tuileries Photo Nord Éclair

En janvier 1970, l’ouverture du café « aux tuileries », au rez-de-chaussée de l’os à moelle semble être le signe annonciateur du retour des commerces dans la zone du bloc Anseele. Ce café vaste et moderne, situé rue Winston Churchill, présente des luminaires publicitaires, de larges baies vitrées, un bar élégant avec des petites lampes rouges, une grande salle de réunion. Il faudra cependant attendre deux ans encore pour l’ouverture du centre commercial.

Août 1970, Roubaix est donc une ville test, un champ privilégié pour les opérations de rénovation urbaine et de résorption de l’habitat insalubre. La perspective historique est rappelée par le journaliste, loi sur les HBM, le CIL, la loi Vivien sur l’éradication de l’habitat insalubre. La grande opération Edouard Anseele démarrée en 1957 s’achève, on en est au moment de l’installation de l’équipement central du quartier, un grand centre commercial régional construit sur un parking souterrain de 1200 places.

Le bloc Anseele en 1971 Photo Nord Éclair

L’opération serait une réussite sur le plan social et humain, mais présente un déficit de 400 à 450 millions d’anciens francs. Les spécialistes en analysent les raisons : les logements sociaux entraînent une faible rentabilité des loyers, et au moment des expropriations commerciales, on a racheté les fonds de commerce, mais on ne vend à présent que des pas de porte dans le nouveau centre, dont on annonce l’ouverture pour le milieu de l’année 1972.

Construit sur le modèle suédois avec galerie marchande en plein air, ce bâtiment de 240 mètres de long  comportera 80 commerces répartis sur deux niveaux : commerces d’alimentation au niveau inférieur, des magasins de confection, et d’ameublement, au niveau supérieur, et même une petite salle de cinéma de 300 places, un restaurant grill, le tout agrémenté de parterres de fleurs. Ses atouts sont la proximité du centre ville et son fameux parking de 1250 places. Cependant il éprouve quelques difficultés au niveau de la vente de ses cellules commerciales, retardée par la rareté et le coût élevé du crédit.

En mars 1971, la construction du nouveau centre est pratiquement achevée : les escalators sont en place, on procède aux ultimes travaux : pose du dallage, installation des faux plafonds, et de l’électricité, le centre sera terminé vers le mois de juin.

Le parking de Roubaix 2000 Photo NE

M. Maisonneuve, le Président de la SEGECE, société chargée de la promotion du centre commercial, commente la maquette et les atouts du centre. Il évoque l’ouverture du parking avec places payantes en mai ou juin, dont la gestion est confiée à la Communauté Urbaine. L’achèvement des travaux va accélérer les demandes de cellules commerciales. A ce moment, seulement 20% sont vendues et 40% sont en négociation ! Il est vrai que les surfaces se vendent à un prix moyen de 12.000 à 13.000 francs le m².

Le parking souterrain ouvre en septembre 1971 et ses tarifs sont annoncés dans la presse : 4,50 F pour la journée, la nuit pour 2 francs, le dimanche pour 1 franc, et l’abonnement stationnement est de 40 francs par mois. Comparés aux prix actuels du parc de stationnement, ça laisse rêveur ! Ce parking est annoncé comme le plus grand du Nord. Il ne reste plus qu’à lui donner des raisons d’être utilisé, au-delà des habitants du quartier, avec l’ouverture du centre commercial.

D’après Nord Éclair

La question de la centrale

La centrale autrefois Photo Nord Éclair

Alors que la démolition du gazomètre de la rue Bernard est intervenue en 1960, celle des bâtiments de la centrale électrique est envisagée pour 1972. Il y a en effet un projet de construction de quatre tours dans l’alignement d’une rue qui prendra le nom du fondateur de la Croix Rouge, Henri Dunant.

Cette centrale électrique se trouvait dans la rue qui lui doit son nom, la rue de la centrale, parfois raccourcie en rue centrale, petite voie parallèle à la rue de Lannoy, et qui rejoignait également le boulevard Gambetta, en venant de la rue Bernard. Cet équipement devait être remplacé par des installations nouvelles à l’angle de la rue de Tourcoing et de la rue Jacquard. En mars 1968, on commence l’édification des deux tours « du milieu », alors que les travaux de la troisième, du côté du boulevard de Belfort, démarrent en février 1969. L’année 1972 passe sans que rien ne bouge. La construction de la quatrième tour est différée. Fin 1973, rien n’a bougé.

La centrale et la rue Henri Dunant Photo Nord Éclair

La rue Henri Dunant a repris dans son parcours l’ancienne rue centrale. La démolition de l’usine Huet a libéré l’espace nécessaire pour la construction de la quatrième tour, qui ne sera donc pas dans l’alignement des trois autres. La vieille centrale électrique désaffectée devient alors un véritable chancre dans ce quartier composé de bâtiments neufs, à deux pas d’un centre commercial important. Un magasin de vêtements et une pharmacie sont venus refaire un morceau de front à rue au boulevard Gambetta, alors que la vieille centrale devient un lieu de squatters. Il faudra attendre février 1985 pour enfin voir disparaître ce dernier vestige du quartier des longues haies.

Le temps des tours

Le 1er février 1969, deux tours sont édifiées par la société roubaisienne immobilière d’économie mixte en face de l’os à moelle. Elles sont pratiquement achevées, il ne manque plus que deux étages pour atteindre les 19 prévus. Elles vont constituer les points les plus élevés de la ville de Roubaix. La construction de la troisième tour du côté du boulevard de Belfort doit commencer prochainement. Quant à la quatrième, elle se trouvera en principe sur l’emplacement de l’ancienne centrale électrique. Si la troisième sera bien dans l’alignement des deux autres, ce ne sera pas le cas de la quatrième, la centrale n’ayant pas disparu rapidement.

Évolution de la construction des deux premières tours Photos Nord Éclair

Le 15 Août 1969, 376 logements nouveaux auront donc été construits. La SRIEM a terminé les deux tours, soit 226 logements, et une troisième tour commence, du côté du boulevard de Belfort. Le long du même boulevard, l’office municipal des HLM vient de terminer quatre tourelles, soit en tout 150 logements. Optimiste, le journaliste écrit que l’opération de l’ilot Edouard Anseele, commencée depuis plus de 10 ans, touche à sa fin.  L’architecte Guy Lapchin a conçu ces tours de 55 mètres de haut, comptant 113 logements chacune, avec des ascenseurs rapides. Au pied de chaque tour, on doit trouver des aires de jeux et des pelouses avec arbres. Le dix neuvième étage est un local collectif, pour les réunions des habitants, une halte d’enfants, qui sera entouré d’une pelouse et de troènes. Un jardin en plein ciel ! Les équipements suivants sont prévus : salle de repos, tisanière, vestiaires, buanderie, salle pour les  jeunes. Ces tours sont de véritables villes en réduction.

La rue Henri Dunant peu de temps avant son ouverture Photo Nord Éclair

 

Le 16 octobre, on annonce l’ouverture prochaine d’une voie d’accès entre le boulevard Gambetta et le boulevard de Belfort : la rue Henri Dunant, où l’on voit encore la centrale d’électricité sur la droite.

Le Tour de France à l’usine

En février 1969, les démolitions ne sont pas encore terminées, on s’apprête à raser les bureaux de l’usine Huet, pour permettre à l’opération Edouard Anseele de déboucher sur le boulevard Gambetta. Les bulldozers de l’entreprise Mailler s’attaquent au bâtiment de façade de l’ancienne usine, situé à l’angle de la rue Centrale, derrière laquelle se trouvent les bureaux. Mais on ne démolit que la façade car les salles des ateliers vont servir pour accueillir le tour de France, dont le départ sera donné à Roubaix en juin 1969. Ils abriteront l’ensemble des services de la course.

La grande salle à nefs de l’usine Huet, les maillots, le public Photo Nord Éclair

Désaffectée depuis cinq ans, l’usine a été remise en état, les murs repeints, le sol nettoyé. L’équipement sanitaire a été refait, les salles et la façade extérieure ont été décorés par les élèves du CET du boulevard de Lyon. On accède au bâtiment par trois portes situées sur le boulevard Gambetta, dont une pour les véhicules. Dans la grande salle à nefs d’usine, les mécaniciens s’affairent à préparer les vélos des champions. Le public est admis à visiter l’endroit. La seconde partie de la grande salle a été équipée pour recevoir les bureaux, les services médicaux, et une salle d’attente de trente places pour les coureurs.

Les visites se déroulent sous la conduite du médecin du Tour, le docteur Nègre, accompagné d’un confrère lillois, le docteur Niquet. L’ancien pavillon du concierge est occupé par la direction de la course, son secrétariat et une salle de conférence. La salle de presse s’y trouve également où dix lignes téléphoniques et huit téléscripteurs ont été installés par les P.T.T.

La fête du Tour représente trois jours de manifestations sportives : le vendredi soir, c’est la grande fête du Tour. Le samedi à 15 heures commence la partie sportive : les grands champions pistards Trentin et Morelon affrontent les champions belges, hollandais, allemands, anglais et régionaux. Une demi-étape contre la montre se déroule ensuite à partir de 17 heures, c’est le prologue, pour l’attribution du maillot jaune. Le lendemain, dimanche, le maire Victor Provo donne le départ de l’étape Roubaix Bruxelles au parc municipal. Le peloton traverse Roubaix en remontant l’avenue Salengro, la rue de Lannoy, le boulevard de Belfort, la rue Pierre de Roubaix, le boulevard Gambetta, la place de la Liberté, la Grand Rue, la Grand Place, la rue du Maréchal Foch, le boulevard de Paris, le boulevard de Douai, le boulevard Lacordaire, la Place du Travail, le boulevard de Fourmies, pour arriver à la Place Charles Spriet, lieu du véritable départ. Après ce parcours de près de sept kilomètres dans la ville, le départ est donné à 10 heures 15. La veille, pour sept secondes, l’allemand Rudi Altig a privé Eddy Merckx de maillot jaune.

Le Tour dans Roubaix Photo Nord Éclair

Les 7000 m² de l’usine seront ensuite démolis. On prévoit de bâtir sur l’emplacement une station service, un grand magasin et un immeuble de cent logements. Cette ouverture permettra, dit-on au nouveau quartier Anseele de respirer. Il reste encore une filature et la caserne de pompiers à démolir, pour atteindre le carrefour de la rue Pierre de Roubaix. Il est question de raser tout cela pour construire trois tours séparées par des espaces verts. Tous ces projets ne seront-ils menés à bien ?

Les bains-douches

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Les Bains douches de la rue des Longues Haies Plan et vue 1911 docs AmRx

L’établissement des bains-douches du n°153 de la rue des Longues Haies a été construit dans le cadre des œuvres sociales de la Caisse d’épargne de Roubaix. Il ne s’agit toutefois pas de libéralité ou de bienfaisance, mais bien de placement en vue d’obtenir un rendement plus ou moins intéressant[1]. Le médaillon de façade est explicite sur la destination de l’équipement : Propreté donne Santé. L’établissement est composé de vingt cabines réparties dix de chaque côté dans le sens de la longueur. La céramique blanche et le système d’aération garantissent la salubrité des lieux. Chaque cabine comprend un coin déshabilloir[2], et la salle de douches. A l’époque de l’inauguration, on paie 20 centimes le bain-douche, savon compris, et le bain est limité à 20 minutes. On met en valeur la modicité du prix, tout en précisant que l’avenir de la propreté dépend du bon marché auquel on peut l’obtenir[3]. Autrement dit, plus les gens viendront se laver, plus l’établissement sera rentable.

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Vue intérieure des Bains douches doc JdeRx

Les Bains douches municipaux de la rue des Longues Haies ouvrent au public le 1er juillet 1911, pendant la grande exposition internationale. Ils seront inaugurés le 25 septembre 1911, à l’occasion de la conférence des caisses d’Epargne de l’Est et du Nord. Puis l’établissement des bains est acquis par la ville en 1921. Les anciens du quartier ont encore en mémoire la grande salle carrelée où l’on attend son tour, assis sur un banc avant d’accéder aux cabines de douches. Certains chantent dans les douches, ou font leur lessive, ce qui est strictement interdit. Il arrive qu’un client s’attarde, dépasse les vingt minutes imparties, mais quelques coups sur la porte lui signalent qu’il doit laisser la place. On sort de là tout frais, tout propre. Les derniers temps, une baisse de la clientèle et un déficit conséquent entraînent une augmentation qui porte le prix d’entrée à 50 francs. Les bains-douches ont fermé à la St Sylvestre 1960 pour difficultés financières et disparaissent dans les démolitions de l’opération de rénovation de la rue Edouard Anseele.

D’après le Journal de Roubaix
Remerciements à Robert et à Bernadette pour les témoignages.

[1] Les expressions employées sont du journaliste de l’époque
[2] Id
[3] Id

Cours d’infirmières

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Les futures infirmières du dispensaire Photo NE

Le dispensaire de la rue Edouard Anseele accueillait les élèves infirmières, les assistantes sociales ou les jeunes filles pour des formations. Il s’agissait de cours concernant la puériculture et les soins à donner aux malades et aux blessés. Les élèves infirmières pouvaient également y effectuer leur stage d’instruction, sous l’égide de la Croix Rouge.

Il fallait être âgée de 19 au moins et de 35 ans au plus pour être admise dans cette école. Les candidates infirmières viennent y préparer un diplôme d’Etat en deux ans. Trois cours de deux heures par semaine se déroulent dans une salle de cours pouvant accueillir une vingtaine d’élèves, et une salle de démonstration permet les travaux pratiques. Puis il y aura un stage obligatoire de onze mois à la clinique, au dispensaire, chez les infirmières visiteuses, à l’hôpital. Onze médecins donnent bénévolement des cours ainsi que trois religieuses qui sont des répétitrices, également chargées de cours de morale professionnelle[1] et de démonstrations pratiques.

Des jeunes filles viennent également là recevoir un enseignement médico-social qui est sanctionné par un diplôme d’infirmière de la Croix Rouge, qui ne leur donne pas le droit d’exercer, mais les prépare à leur rôle de future reine du foyer[2].

Il y a aussi des sessions pour les secouristes qui durent trois mois, à la cadence de trois cours du soir par semaine.

Les élèves ne manquent pas, il y a beaucoup d’inscriptions, et un examen d’entrée a lieu en juillet pour les candidates qui ne peuvent justifier d’un certain niveau d’études générales[3].

D’après Nord Éclair

[1] L’article d’où l’on a extrait tous ces détails date de 1950. Le milieu hospitalier était partagé entre religieuses et laïques. On parlerait aujourd’hui de déontologie et d’éthique.
[2] C’est l’époque de la formation de la femme comme future « reine du foyer » : cours à l’école ménagère, cours de puériculture.
[3] Quel pouvait être le contenu de cet examen de sélection ?